Pour la seconde fois cette année, le président des chambres de commerce et d’industrie allemandes est monté au créneau. Dans un entretien accordé au quotidien Bild Zeitung, le journal le plus lu du pays, début avril, Hans-Heinrich Driftman a jugé “beaucoup trop lents” les efforts du gouvernement en matière énergétique. “Si nous n’accélérons pas le développement des réseaux, nous faisons peser un risque sur la croissance et les emplois”, a-t-il menacé. En Allemagne, les industriels sont inquiets. Il y a un an, Angela Merkel annonçait l’abandon définitif du nucléaire d’ici à 2020. Pour remplacer l’énergie manquante, la chancelière prévoit de faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique allemande de 35 à 80% d’ici à 2050. Une évolution qui doit s’accompagner de la création de milliers d’emplois dans le secteur porteur des technologies vertes. Aujourd’hui, le bilan d’étape est loin d’être satisfaisant, jugent la plupart des experts.
Il y a d’abord la faiblesse du développement des infrastructures de transport d’électricité. Au mois de février, quand les températures ont été très rigoureuses, il est arrivé à la limite de ses capacités. Certains industriels, notamment dans la métallurgie, ont indiqué avoir déjà subi des dommages liés aux variations de tension. Le réseau allemand doit aujourd’hui faire face à deux impératifs : délivrer le courant chez les particuliers et transporter l’électricité produite de façon de plus en plus décentralisée, phénomène dû notamment à l’explosion du nombre de panneaux photovoltaïques dans le pays. Certains exploitants privés de réseaux, dépassés, sont dans l’incapacité financière d’assumer les investissements nécessaires. Il y a ensuite le retard dans le secteur éolien en mer du nord et mer Baltique. Ces zones doivent accueillir le gros des projets d’offshore éolien. Mais face aux risques de non raccordement au réseau, les investisseurs ont dû ronger leur frein…
À cela s’ajoute une autre difficulté: les “autoroutes du courant” censées traverser le pays pour transporter le courant éolien des mers du nord du pays au sud industrialisé se heurtent déjà à des mouvements massifs d’opposition des riverains. Les experts estiment que le statu quo devrait être maintenu dans les prochains mois en raison des élections législatives qui se tiennent à l’automne 2013. Dans le même temps, la branche solaire, un autre grand espoir du gouvernement, est en pleine crise. Le 3 avril, le fabricant de panneaux photovoltaïques Q-Cells, jadis n°1 mondial du secteur, a déposé le bilan. C’est la quatrième faillite en quelques mois dans un secteur durement affecté par la chute des prix liée à la concurrence chinoise et par la baisse des subventions accordées depuis plusieurs années par le gouvernement. “Le secteur a connu une bulle qui en train d’éclater, il faut s’attendre à d’autres faillites”, explique Claudia Kemfert, de l’institut économique de Berlin. Un coup dur dans une branche porteuse d’espoir pour des régions entières. C’est le cas de la Solar Valley, une zone industrielle située en ex-Allemagne de l’est, où des milliers d’emplois sont directement liés aux évolutions du photovoltaïque.