La Tunisie tente de reconquérir les marchés libyens

186

En Tunisie, les lendemains ne chantent pas encore. Baisse des exportations et des investissements et effondrement des recettes touristiques (-38,5%, selon l’Office national du tourisme tunisien) ont fait que, en 2011, la croissance du PIB a été gelée à 0%, selon la Banque centrale tunisienne. Depuis la fin des troubles en Libye et la réouverture définitive des frontières en décembre 2011, Tunis voit le bout du tunnel dans sa relation avec Tripoli. Le gouvernement et les chefs d’entreprises tunisiens font du partenariat avec la Libye une priorité pour relancer l’économie nationale. Pour eux, la Libye est une extension naturelle de leur marché domestique. Les PME trouvent un débouché chez ce voisin, dont l’économie est dopée par ses exportations de pétrole brut. Les deux potentiels se complètent et les appels à l’intégration économique bilatérale se répètent depuis quelques mois. À l’automne 2011, Wided Bouchamoui, présidente de l’Utica, la principale organisation patronale tunisienne, plaide pour la création d’un espace économique commun avant d’être suivie, en janvier 2012, par le Premier ministre Moncef Marzouki.

 

Pour les entrepreneurs tunisiens, il s’agit de reprendre le processus entamé avant la chute des régimes de Zine el-Abidine Ben Ali et de Mouammar Kadhafi. Avant 2011, la Libye était le premier partenaire africain de la Tunisie: plus de 1 200 entreprises tunisiennes étaient implantées sur le marché limitrophe, la vanne du pétrole libyen était grande ouverte et une zone franche devait voir le jour entre Ben Guerdane et Ras-Jedir. Quelque 100 000 ouvriers tunisiens, dont beaucoup de qualifiés, travaillaient de l’autre côté de la frontière. Mais depuis le conflit libyen, près de 60 000 sont revenus dans leur pays d’origine, réduisant considérablement le volume des envois de fond en provenance de la Libye et grossissant les chiffres du chômage en Tunisie. En 2012, les travailleurs migrants sont de nouveau attendus en Libye. À Benghazi, lors d’une visite d’hommes d’affaires tunisiens organisée en décembre, Salah Mabrouk Laâbidi, président de la chambre de commerce locale, déclarait que “la reconstruction va nécessiter la venue de 150 000 travailleurs tunisiens”, affichant ainsi la priorité donnée aux Tunisiens pour la reconstruction du pays.

 

Le changement de régime, soutenu par les pays occidentaux, a ouvert l’économie libyenne aux capitaux étrangers. En Tunisie, les PME se félicitent de la chute du régime Kadhafi, qui donnait le ton des relations commerciales entre les deux pays; mais elles doivent maintenant affronter la concurrence des entreprises occidentales et asiatiques, de plus en plus présentes sur le sol libyen. Selon un rapport de la Banque africaine de développement publié durant l’été 2011, les exportations tunisiennes vers la Libye accusaient une baisse de 34% lors des premiers mois de l’année. Les experts s’interrogeaient alors sur une possible reprise des échanges entre Tunis et Tripoli. Car, pour être désormais compétitives sur le marché libyen, les PME tunisiennes doivent innover et se moderniser. Le gouvernement tunisien, conscient de ce défi, a proposé un plan de développement économique évalué à 125 milliards de dollars (95,7 milliards d’euros) sur cinq ans. De son côté, la Banque centrale tunisienne s’est engagée à financer des « projets ambitieux visant à donner un nouvel élan aux relations entre les deux pays » Enfin, depuis février 2012, une troisième nation s’est invitée dans le partenariat tuniso-libyen. L’ambassadeur français à Tunis, Boris Boillon, a proposé la mise en place d’un consortium constitué d’entreprises tunisiennes et françaises pour augmenter les chances d’obtenir d’importants contrats en Libye. Discréditée en Tunisie à cause de son soutien au président Ben Ali, la France entend tirer profit de son prestige acquis en Libye pour consolider sa présence sur le marché tunisien.

Article précédentLe chômage contraint les jeunes Espagnols à l’émigration vers l’Europe du Nord et l’Amérique latine
Article suivantLicenciements économiques: « Le législateur doit revoir la définition du motif »