Le chômage contraint les jeunes Espagnols à l’émigration vers l’Europe du Nord et l’Amérique latine

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María soupire. Son fils de 33 ans, diplômé en économie, a du quitter l’Espagne pour pouvoir travailler. Certes il ne vit pas bien loin, à Londres. « Mais il n’a pas eu le choix. Il a travaillé trois ans, puis a traversé une période d’un an et demi au chômage. C’est à Madrid qu’il a trouvé un travail dans une entreprises de services, mais il y avait une condition: partir à Londres dans la filiale », raconte cette mère de famille. Son fils fait partie de ces milliers de jeunes Espagnols, obligés de plier bagages pour travailler. Pour les moins âgés, il faut échapper à cette dure statistique: pratiquement 50% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage.

 

Difficile de chiffrer les départs. Selon le recensement électoral des Espagnols résidents à l’étranger, 307 900 personnes supplémentaires se sont inscrites entre le début de 2008 et le mois de décembre 2011. Plus de 300 000 personnes qui sont donc, a priori, allées chercher un travail ou accompagner un proche. S’il reste impossible de savoir exactement combien de jeunes sont partis, une page est tournée. La tendance s’est clairement inversée depuis le début de la crise. Pour la première fois depuis 10 ans, le solde migratoire est devenu négatif en 2011. L’expression « fuite des cerveaux » déplaît à Cristina Bermejo, secrétaire confédérale de la jeunesse au syndicat Commissions Ouvrières. « Je préfère le terme d’émigration. Avant la crise, beaucoup de jeunes chercheurs prenaient déjà le large; désormais, le mouvement s’est étendu à d’autres secteurs. Nous avons remarqué que les jeunes étudiants en formation professionnelle cherchent aussi à partir, même si cela reste plus compliqué en raison des problèmes linguistiques. »

 

Selon une étude de Adecco, ce sont fondamentalement les jeunes, âgés entre 25 et 35 ans, sans responsabilités familiales, hautement qualifiés, qui décident d’émigrer. Scientifiques, ingénieurs, informatiques, architectes figurent parmi les candidats au départ. L’Argentine accueille le plus d’Espagnols, suivie par la France, le Venezuela et l’Allemagne. Les écoles de langues ont d’ailleurs connu un véritable boom d’inscriptions de l’autre côté des Pyrénées, à l’instar de l’Institut Goethe de Madrid, confronté à une hausse de 20% des demandes l’an dernier. Mais le chemin reste encore long. 14 000 personnes ont déposé une demande d’embauche en Allemagne, selon la chambre de commerce hispano-allemande. Seulement 20% d’entre elles devraient répondre aux exigences des employeurs.

 

Pour l’instant, la vague de jeunes Espagnols reste encore donc réduite en Allemagne, car d’autres pays restent attirants. Adecco gère par exemple plusieurs offres pour l’étranger, vers la République tchèque, demandeuse d’ingénieurs pour l’industrie automobile, ou encore vers la France, pour incorporer des physiothérapeutes et des infirmières. Mais la crise ne fait pas seulement partir des jeunes hautement qualifiés. Les plus âgés ou les plus démunis n’hésitent pas à se lancer à l’extérieur, parfois sans même dominer l’anglais. Plusieurs centaines d’Espagnols, peu formés, ont ainsi tenté leur chance en Norvège, à Bergen. En vain pour la majorité.

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