Opérationnelle depuis 2004, la zone économique spéciale de Kaesong (Kaesong Industrial Complex, KIC), est l’un des symboles de la coopération intercoréenne qui a été initiée à l’issue du premier sommet entre la république populaire démocratique de Corée (RPDC, ou Corée du Nord) et la république de Corée (Corée du Sud), en 2000. L’ancienne ville impériale de Kaesong se situe seulement à 60 km de Séoul, immédiatement au nord de la zone de démilitarisation (DMZ) séparant le Nord et le Sud depuis la fin de la guerre de Corée en 1953. À terme, la zone économique pourra bénéficier de la proximité de l’aéroport international d’Incheon et de Séoul, une mégapole dont la population avoisine les 20 millions d’habitants. Ce projet phare vise d’ailleurs à devenir une plate-forme manufacturière exportatrice pour toute l’Asie du Nord-Est, la péninsule coréenne étant située entre la Chine et le Japon, deux des marchés mondiaux les plus importants.
Les infrastructures du complexe industriel sont développées par deux compagnies sud-coréennes, Hyundai Asean et Korea Land, avec l’appui du ministère de l’Unification, un ministère indépendant de celui des Affaires étrangères. En effet, Séoul estime que la réussite de Kaesong pourrait inciter Pyongyang à réformer son économie étatique et à ouvrir progressivement son marché intérieur afin de réduire l’abîme qui sépare le niveau de vie du Nord communiste de celui du Sud capitaliste. Avec, en vue, d’alléger le poids économique d’une éventuelle réunification de la péninsule coréenne. La première phase de Kaesong est aujourd’hui ouverte aux entreprises étrangères pour l’achat de terrains et l’établissement d’usines. Pour l’instant, c’est surtout l’industrie manufacturière légère, gourmande en interventions humaines, qui tire ainsi profit d’une main-d’œuvre nord-coréenne instruite, disciplinée et moitié moins cher que celle de la Chine voisine. Actuellement, 47 entreprises et 25 usines, employant quelque 12 000 ouvriers nord-coréens âgés de 20 à 30 ans, encadrés par 800 managers sud-coréens, sont implantées à Kaesong.
Un programme de formation est déjà sur les rails : un centre d’aide à la formation technique sur place formera 4 000 Nord-Coréens par an dans 13 spécialités différentes. Après l’accomplissement de la première phase « industries légères », qui vise l’implantation de 450 entreprises et l’emploi de 70 000 Nord-Coréens, les deuxième et troisième phases du projet seront axées sur les nouvelles technologies de pointe. Subissant de plein fouet la concurrence chinoise, ce sont surtout des PME sud-coréennes qui ont pour l’instant compris l’intérêt d’établir leurs usines à Kaesong, mais on compte déjà 3 compagnies étrangères dans le nombre. Il s’agit de deux entreprises chinoises (cosmétiques et contre-plaqué) et de l’Allemand Prettl (pièces pour automobile). Des visites sur site pour des entreprises et investisseurs étrangers intéressés par le projet sont régulièrement coorganisées par la Kotra, l’agence gouvernementale chargée des investissements directs étrangers (www.kotra.or.kr)
Clarifications à la fin de l’année
Déjà sur les rangs, d’autres investisseurs n’attendent plus que le résultat des négociations sur les accords de libre-échange actuellement en cours entre l’Union européenne et la Corée du Sud, et dont on espère la signature avant la fin de l’année. L’acceptation en Europe des produits fabriqués à Kaesong sera en effet primordiale pour le succès de Kaesong, dont la production actuelle est en majeure partie destinée à la Chine et la Russie. L’accord de libre-échange signé en 2006 entre les 10 pays de l’ASEAN et la Corée du Sud accepte les produits fabriqués à Kaesong, contrairement à celui conclu en avril dernier avec les États-Unis. Cependant, la possibilité d’une acceptation par les Américains de produits venant d’un « État voyou » dépendra surtout du résultat effectif de la dénucléarisation de la Corée du Nord et de la renégociation que Kim Jong-il espère avec les Américains pour que la Corée du Nord soit rayée de la liste des pays terroristes et que, du coup, soient levées les sanctions économique à son encontre. En effet, au terme d’une session de négociations à six (Chine, Russie, Japon, États-Unis et les deux Corée) en septembre à Pékin, le régime communiste de Pyongyang a accepté de désactiver d’ici au 31 décembre ses programmes nucléaires et de recevoir les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en échange d’une importante aide énergétique, entre autres.
D’autre part, les accords du sommet intercoréen conclus début octobre à Pyongyang entre le président sud-coréen, Roh Moo-hyun, et son homologue dictatorial du Nord, Kim Jong-il, vont permettre le rétablissement du transport interferroviaire de fret entre le Nord et le Sud, interrompu depuis plus d’un demi-siècle. Un éventuel raccordement au chemin de fer chinois et au Transsibérien pourrait permettre de désenclaver toute la péninsule coréenne et faire de la Corée réunie un hub logistique pour tout le Nord-Est asiatique. Ces accords intercoréens concernent aussi le développement du port de Haeju, base militaire de la Corée du Nord et zone de pêche commune conflictuelle, situé à l’ouest de Kaesong, dans l’estuaire du fleuve Han qui traverse Séoul. Deux chantiers navals seront également développés dans les ports nord-coréens de Nampo – sur la mer Jaune à l’ouest –, et de Wonsan – sur la mer du Japon à l’est. Tous ces projets sont actuellement vivement encouragés par Roh Moo-hyun, en perte de popularité, car l’élection présidentielle le 19 décembre en Corée du Sud pourrait redistribuer les cartes. L’opposition conservatrice est en effet plus sceptique à l’égard de la réunification.