« Nous voulons susciter l’émergence d’acteurs tunisiens dans ce secteur », explique Syrine Tlili, responsable de l’unité Logiciels libres créée au ministère tunisien des Technologies et de la Communication. « Pour conduire des chantiers de migration du logiciel propriétaire vers le logiciel libre dans l’administration par exemple. Par ailleurs, nous regardons comment inclure le logiciel libre dans nos projets de eGovernment et de eAdministration. » Autre objectif de cette ligne d’action : moderniser à peu de frais les PME et les TPE tunisiennes grâce à l’informatique libre.
De fait, cette politique porte ses fruits. Une mini-Silicon Valley s’est ouverte à El Ghazala, près de la capitale Tunis, et une dizaine d’entreprises tunisiennes commence à développer une véritable offre de prestations offshore en Open Source. Ce qui est particulièrement original. En effet, les pays émergents passent en majorité à côté des logiciels libres. D’une part parce qu’ils piratent les logiciels propriétaires en « boîte noire », d’autre part, parce que les activités d’offshore informatique concernent avant tout la maintenance et le support de logiciels propriétaires. Enfin, les informaticiens des pays émergents ont généralement plus de chances de se valoriser avec des compétences en logiciel propriétaire.
À cheval entre deux mondes, le libre et le propriétaire, IP-Tech, une société de 30 personnes créée fin 2007, travaille pour des éditeurs et des SSII (sociétés de services en ingénierie informatique) : « Nous offrons de la régie délocalisée pour des clients français, belges et allemands, qui se révèlent plus matures que les clients africains », explique Mohamed Ouederni, directeur associé d’IP-Tech, qui mentionne d’autres sociétés d’offshore comme Telnet (500 personnes) dans les télécoms, BFI (200 personnes) dans la finance, Vermeg (200 personnes). « Le marché tunisien est trop petit pour que de gros acteurs internationaux du logiciel propriétaire s’y installent de façon rentable. » Du coup, le positionnement du pays sur le libre est de plus en plus marqué, au moins au plan commercial.
De son côté, Alpha Engineering, créée en 2005, est « full Open Source » sur une spécialité critique : la haute disponibilité et la supervision pro-active des systèmes d’information pour la téléphonie mobile, la banque et les médias. « En étant très spécialisé dans un domaine super-critique, le logiciel libre peut être très rémunérateur », précise Zied Ben Salem, le directeur exécutif d’Alpha Engineering, qui exporte ses services en Mauritanie et au Gabon. « D’ailleurs, à 33 personnes, nous réalisons un chiffre d’affaires 2009 de 1,5 million d’euros. » Une performance qu’envient certaines sociétés européennes.