La collection d’un boxeur populaire

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Même si la nostalgie est typique des périodes de crise, le vintage, très en vogue ces temps-ci provient d’une époque pire encore : il trouve ses origines dans les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale, au cœur des années 1940, d’où renaîtrait enfin l’espoir. Et la mode masculine des années 1948 à 50 a ce charme incomparable de l’Amérique et d’Hollywood. Les vraies « fashion victims » ont donc su garder le vieux costard croisé sur pantalon large d’Humphrey Bogart, car ces millésimes se dégustent maintenant. Ces grands crus sont également lancés en version sportswear : on se souvient en effet d’un certain Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948. Le boxeur fut aussi l’amant de l’inoubliable chanteuse française Édith Piaf. Une romance qui connaîtrait une fin tragique : Édith supplie Marcel de la rejoindre au plus vite à New York… L’avion s’écrase le 28 octobre 1948 dans l’archipel des Açores ; Marcel est tué sur le coup à l’âge 33 ans.

 

Il entre dans la légende comme le plus grand champion du monde de boxe que l’Europe ait connu. « Cet enfant du peuple » est le fils cadet d’une famille de cinq enfants dont le père est espagnol et la mère française. Il était né en 1916 dans l’Algérie française, département d’Oran. Six ans plus tard, en 1922, sa famille s’était installée à Casablanca, dans le Protectorat du Maroc. Marcel commençerait bientôt de monter sur le ring de boxe : à l’âge de 8 ans ! 
Aujourd’hui, on se rappelle encore de son short décoré d’une bande blanche sur les côtés. C’est sa mère qu’il l’avait cousu et il ne s’en sépara jamais. Aux États-Unis, il le portait sous le short officiel. Ce boxer-short griffé Cerdan se porte cet été comme maillot de bain à la plage. Toujours aussi moulant, il va comme un gant aux spécimens musclés. « Tous les modèles des collections Cerdan Vintage Sportswear correspondent à des événements précis de la vie de mon grand-père », raconte Nicolas Cerdan. Les mêmes yeux riants que Marcel, son petit-fils Nicolas, directeur d’une entreprise informatique, s’est penché, il y cinq ans, sur la correspondance des années 1947 à 1949 de Cerdan avec Piaf.

 

« Les deux étaient en train de travailler à leur reconversion. Cerdan avait 32 ans, ce qui est vieux pour un boxeur. Édith n’était qu’au début de sa carrière… » Au travers des lettres « pures et chastes » des deux monstres sacrés de l’époque, le petit-fils découvre que le champion du monde avait signé un contrat à Hollywood, mais aussi qu’il était en train de développer des pièces griffées avec son équipementier. Cerdan se préparait à lancer polos, T-shirts et joggings : « Il faisait donc partie des pionniers du sportswear », se réjouit Nicolas Cerdan qui a eu l’idée, il y trois ans, de rendre hommage à son grand-père en lançant la marque Cerdan. Les matières très vintage et les coupes correspondent à l’époque du boxeur : le sweat-shirt est cousu en toile de coton épaisse, une rose brodée sur la manche envoie un clin d’œil à Piaf qui, après la mort de Marcel Cerdan, est allée voir Marinette, son épouse et la mère de ses trois garçons, Marcel Junior, Paul et René : « Au lieu de la haine, ma grand-mère décide de faire vivre l’amour et lui confie son fils Marcel Junior. Mon père a ainsi partagé sa vie avec Piaf de l’âge de 11 à 20 ans ! » Toute la collection Cerdan fait allusion à la boxe, au voyage et à l’élégance du boxeur.

 

Comme à l’époque, les matières sont entièrement naturelles. Le cotonneux jogging et la veste en molleton rappellent les vestes d’échauffement de 1948. Les T-shirts moulants ont une vraie dégaine vintage. D’autres sont de petites œuvres d’art. La poitrine de « Pellos », par exemple, en jersey gris, est décorée d’une illustration originale de Marcel en action. Les différentes modèles de bottines de boxe ne sont pas aux normes actuelles des combats officiels, mais le design de ce sneaker 1948 est très chic. La collection entière reflète la popularité et l’élitisme de Cerdan, « mais ni le succès ni l’argent ne lui sont montés à la tête », estime son petit-fils Nicolas, qui rencontre partout une vive sympathie grâce à son nom. C’est la raison pour laquelle il s’efforce de distribuer la collection Cerdan, fabriquée au Portugal, par les points de vente moyen et haut de gamme et la grande distribution. « C’est difficile, mais cela me tient à cœur », conclut-il. Et puis, la boxe véhiculait à l’époque un esprit humaniste et fraternel. C’était aussi un moyen de se dépasser et de progresser : voilà pourquoi ce cru nostalgique tombe à pic.

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