Keith Brebnor, directeur général de la CCI de Johannesburg, mise sur l’effet Mondial 2010

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Keith Brebnor dirige la Chambre de commerce et d’industrie de Johannesburg (JCCI) depuis 2006. Âgé de 62 ans, il a d’abord été joueur de tennis avant de se lancer dans l’organisation de tournois à travers le monde, puis dans l’événementiel, le tourisme et la consultance.

 

Commerce International : Comment fonctionne la Chambre de commerce de Johannesburg et quelle est sa spécificité ?

 

Keith Brebnor : « La Chambre compte environ 3 000 membres dans la province du Gauteng, qui produit un tiers du PIB de l’Afrique du Sud. C’est l’une des plus importantes du pays. Nous sommes entièrement financés par nos membres et organisons des événements pour compléter notre budget. La plupart sont des PME qui réalisent en moyenne un chiffre d’affaires de 20 millions de rands (près de 2 millions d’euros) par an. Nous venons de mettre en place un réseau électronique pour que nos membres puissent se connaître et communiquer plus facilement. Les entreprises se contactent et négocient en direct. Ce réseau nous permet aussi de réaliser des statistiques et de recueillir les avis des entreprises. »

 

Quel bilan tire la JCCI des six premiers mois de Jacob Zuma à la présidence de la République sud-africaine ?

 

K. B. : « Nous l’avions invité à un dîner alors qu’il était encore candidat à la présidence. Nous avons évoqué de nombreux sujets importants pour nous, la corruption et la criminalité notamment. Il s’attaque à tous ces problèmes. Trevor Manuel (l’ancien ministre sud-africain des Finances, ndlr) a été nommé à la tête d’une commission gouverne-mentale sur le plan et détaché du ministère des Finances. C’est ce que nous voulions, nous sommes donc ravis. »

 

Ces satisfactions sont-elles de nature à rassurer les investisseurs ? Observez-vous des signes de reprise des investissements en Afrique du Sud aujourd’hui ?

 

K. B. : « Nous distinguons deux types d’investisseurs. Ceux qui agissent sur le long terme et les spéculateurs. Pour le moment, les premiers n’ont pas encore retrouvé la confiance dans le pays. Ils attendent de voir comment la situation évolue. En revanche, les spéculateurs reviennent. La bourse repart très bien. Mais on sait que ce ne sont pas eux qui créeront des emplois. Trevor Manuel a besoin de plus de temps pour relancer l’investissement. Mais la Coupe du monde de football arrive, les grèves des mois de juillet et août ont cessé et, finalement, le manque de confiance des investisseurs n’a pas vraiment d’impact : notre économie est surtout basée sur les ressources naturelles, et nos banques ont toujours été fortes. »

 

Pourtant, l’Afrique du Sud est toujours en récession, et cela pour la première fois de son histoire post-apartheid…

 

K. B. : « Effectivement, mais la bourse est saine. Et si la contraction du PIB a été élevée, elle l’est moins aujourd’hui. Le gouvernement a également pris des mesures pour éviter de trop fortes pertes d’emplois. Il propose des formations gratuites aux employés que les entreprises devraient licencier. Plus de 6 milliards de rands (environ 545 millions d’euros) ont été débloqués pour ce programme, ce qui est une très bonne chose. Nous essayons de trouver des solutions pour aider les secteurs les plus touchés par la récession : l’automobile, le textile, les produits manufacturés, les industries métallurgique et chimique. Nous n’avons rien décidé de ferme pour le moment, mais nous travaillons à la mise en place de solutions de relance incitatives, comme des offres de reprise de voitures, par exemple. »

 

L’activité commerciale montre-t-elle des signes de reprise ?

 

K. B. : « Nous avons un sentiment partagé. Nous sommes entrés en récession après les autres pays du monde, mais nous n’en sommes pas encore sortis. La JCCI négocie avec le gouvernement pour soutenir certains secteurs de l’économie particulièrement touchés. L’économie de l’Afrique du Sud doit être compétitive. Il faut aider prioritairement les entreprises qui exportent, comme celles d’assemblage automobile.»

 

Donc, pour le moment, les entreprises en difficulté n’ont pas d’aide de l’État ?

 

K. B. : « Si, mais par des méthodes indirectes. La IDC (Industrial Development Corporation, ndlr) permet de restructurer les dettes des entreprises de certains secteurs par le biais de prêts. Il dispose ainsi de 6 milliards de rands (545 millions d’euros). »

 

Dans quelle mesure le tourisme sud-africain a-t-il subi les effets de la crise économique ?

 

K. B. : « La saison a été très mauvaise. L’une des pires. Certains hôtels ont vu leur fréquentation baisser de 50 % à cause de la récession. Nous pensons que beaucoup de touristes viendront l’année prochaine, pour la Coupe du monde. »

 

Le pays sera-t-il prêt pour accueillir cette grande fête du football en 2010 ?

 

K. B. : « Les stades seront prêts. Le gros du problème vient du transport. Le BRT (Bus Rapid Transport) a du mal à se mettre en place parce que les chauffeurs de taxis se sont mis en grève. Ils ont peur de perdre leur travail. La question n’est pas encore réglée et, pour être honnête, cela devient un peu inquiétant. Par contre, nous n’avons pas de crainte concernant la sécurité. Nous avons déjà organisé de grands événements sportifs. Il n’y aura pas de problème de ce côté-là. »

 

Autre sujet qui a fait beaucoup parler : l’affaire Huntley, ce Sud-Africain blanc qui a obtenu le statut de réfugié au Canada parce qu’il aurait été agressé plusieurs fois en Afrique du Sud en raison de sa couleur. Les questions ethniques ont-elles un impact sur l’économie du pays ?

 

K. B. : « Cette histoire est un peu inquiétante. Sur le fond, il a tort. Les criminels s’en prennent à tout le monde et pas particulièrement aux Blancs. Nous pensons qu’il ne faut pas raisonner comme cela. Un ancien ministre de la Police a dit un jour : “Si vous n’aimez pas ce pays, quittez-le !” Ça a fait beaucoup de bruit et ses paroles basées sur un jugement racial étaient inquiétantes. Mais au niveau de l’économie, la politique de discrimination positive figure dans la constitution. Tout le monde l’accepte. Le Black Economic Empowerment (BEE) fait partie de l’économie. La Chambre de commerce de Johannesburg est d’ailleurs un organisme de vérification du BBE. Bien sûr, cela n’est pas toujours facile. La SAA (South African Airways) a perdu des millions de rands en plaçant à sa tête quelqu’un qui n’avait jamais travaillé au sein d’une compagnie aérienne. Le nouveau gouvernement commence à réaliser cela. Il est plus pragmatique, et c’est prometteur. »

 

Pensez-vous que la position sud-africaine et de l’IBSA (Brésil-Inde-Afrique du Sud) pour une réforme du système financier mondial rencontre les préoccupations des entreprises sud-africaines ?

 

K. B. : « Oui, nous pensons que le système financier mondial doit être reformé. Nous plaidons pour une réforme du système monétaire mondial, tout comme le président français Nicolas Sarkozy ou la chancelière allemande Angela Merkel. Nous souhaitons la mise en place d’un système de type Bretton Woods, pour un minimum de contrôle des instruments financiers. Il faut plus de règles pour éviter que le type de crise que nous venons de connaître ne survienne à nouveau. Personne ne l’avait prédit. Cela ne devrait pas se produire. »

 

Marine Veith, lauréate du prix de la bourse Jeunes Reporters

 

Correspondante de Commerce International à Durban (Afrique du Sud), notre collaboratrice Marine Veith a été récompensée par le prix de la bourse Jeunes reporters de l’Union des clubs de la presse de France (UCPF), organisé en partenariat avec EDF. Cette bourse d’un montant de 4 500 euros lui servira à financer un reportage sur les immigrés d’Afrique francophone en Afrique du Sud. Louis Laforge, présentateur de l’émission « Des racines et des ailes » sur France 3 et président du jury, a souligné « la grande qualité du dossier relatant le projet de reportage remis par Marine » et précisé que la décision du jury avait rapidement fait l’objet d’un consensus. La cérémonie de remise du prix s’est tenue le 10 septembre dernier dans un salon de l’Hôtel de la Questure de l’Assemblée nationale à Paris, en présence de nombreuses personnalités du monde de la presse. Parmi elles se trouvaient notamment Sarah Brethes (AFP), Jean-Michel Croissandeau (IFP), Éric Pelletier (L’Express) ou encore Sébastien Raffaelli (Land). « Je suis très heureuse, je ne m’attendais pas du tout à recevoir ce prix. Je partirai en reportage dès mon retour en Afrique du Sud. Mon reportage s’effectuera surtout dans les grandes villes du pays, car ce sont elles qui abritent les plus grandes communautés d’immigrés africains francophones », a déclaré à l’issue de la cérémonie Marine Veith qui collabore aussi à l’AFP, au Petit Journal, à AITV… La rédaction de Commerce International adresse toutes ses félicitations à la brillante lauréate.

 

A. T. Analis

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