Agrégée d’allemand et diplômée de l’École nationale d’administration (promotion Nelson Mandela), Pascale Flamant, 46 ans, a été secrétaire générale adjointe de la Ville de Sèvres (Hauts-de-Seine) avant de devenir membre de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dès 2001. En février 2007, elle a été nommée pour un mandat de cinq ans par décret du président de la République au poste de directrice générale de l’Institut national du cancer (Inca) en binôme avec le professeur Dominique Maraninchi au poste de président.
Commerce International : Pourriez-vous nous présenter brièvement l’Institut national du cancer ?
Pascale Flamant : « La création de l’Inca a été inscrite dans la loi de santé publique d’août 2004. L’institut, créé sous forme de groupement d’intérêt public, existe en tant que tel depuis mai 2005. Basé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), sa mission consiste à pérenniser les acquis du premier plan cancer (2003-2007) voulu par Jacques Chirac, alors président de la République. L’Inca emploie environ 160 personnes, dont plus d’une centaine d’experts en sciences ou en communication, et dispose d’un budget de fonctionnement annuel de 114 millions d’euros. Ce budget se répartit comme suit : 53 % pour la recherche, 36 % pour les actions de santé et 11 % pour le propre fonctionnement de l’Inca. »
Quels sont les principaux partenaires de l’Inca ?
P. F. : « Notre budget provient en grande majorité de financements de nos deux ministères de tutelle : celui de la Santé et celui de la Recherche. L’Inca reçoit aussi des contributions de l’assurance-maladie, des principales fédérations hospitalières, du CNRS, de l’Inserm, ainsi que de deux associations : l’ARC et la Ligue contre le cancer. D’une manière générale, l’Inca est chargé de coordonner les actions de lutte contre le cancer en France. Au plan international, l’Inca collabore avec l’Organisation mondiale de la santé et le Centre international de recherche sur le cancer de Lyon – le CIRC, filiale de l’OMS. En France, nous sommes d’ailleurs pilotes sur la rédaction d’un référentiel sur la prévention et le dépistage du cancer du col de l’utérus. »
Concrètement, quelles sont les différentes missions de l’Inca ?
P. F. : « Nos missions se répartissent entre quatre secteurs d’activité : la santé publique, les soins, la recherche et l’information des publics. La loi nous a fixé huit missions principales, mais la liste n’est pas exhaustive : l’observation et l’évaluation de la lutte contre le cancer ; la définition de bonnes pratiques et des conditions nécessaires à la qualité de la prise en charge des malades ; l’information du public et des professionnels ; la réalisation de toute expertise sur les questions relatives à la cancérologie ; la participation à la formation des professionnels ; la mise en œuvre et le financement d’actions de recherche et de développement en cancérologie ; le développement d’actions communes entre opérateurs publics et privés ; enfin, la participation à des actions européennes et internationales. »
La recherche représente la moitié de votre budget. Comment fonctionnez-vous pour le financement des projets ?
P. F. : « Tout d’abord, il y a une réflexion préalable pour définir les axes prioritaires de la recherche. Ensuite, nous lançons les appels à projets et allouons des fonds aux équipes de recherche qui nous ont soumis les dossiers les plus pertinents. La sélection est drastique : nous ne retenons que 15 à 20 % des projets. Face aux principaux cancers, nous mettons en place des programmes d’actions intégrés de recherche (PAIR) couvrant tous les domaines, de la prévention jusqu’aux soins palliatifs. Les associations caritatives viennent abonder les fonds de l’Inca alloués à la recherche. Par exemple, pour le cancer de la prostate, l’Inca a alloué 2 millions d’euros et les associations cari-tatives (l’ARC et la Ligue contre le cancer) ont ajouté 4 millions d’euros. Comme la grande majorité des projets portent sur quatre ou cinq ans, il s’agit d’engagements assez lourds. »
Qu’en est-il du deuxième plan cancer ?
P. F. : « Après une année 2008 d’évaluation du premier plan par la Cour des comptes, le deuxième plan cancer s’étend sur la période 2009-2013. Il a été élaboré par le professeur Jean-Pierre Grünfeld, médecin néphrologue de l’hôpital Necker à Paris et professeur des universités à l’université de Paris V-René Descartes. Le but de ce deuxième plan est de donner un nouvel élan à la lutte contre le cancer. Afin qu’il puisse avoir un œil sur la mise en place de ses propositions, Jean-Pierre Grünfeld a depuis intégré le conseil d’administration de l’Inca. »
Pour l’information des publics, sur quels cancers mettez-vous l’accent ?
P. F. : « Nous organisons désormais trois campagnes d’information par an : une campagne sur le cancer colorectal en mars, une autre dans treize départements pilotes sur le cancer du col de l’utérus en juin et une sur le cancer du sein en octobre, qui est le mois international de lutte contre ce cancer (« Pink October »). Il faut savoir que ces trois cancers peuvent être dépistés et que le dépistage est généralisé pour le cancer colorectal et le cancer du sein. Les enjeux sont de taille : le premier cancer chez la femme est le cancer du sein avec 50 000 nouveaux cas par an. Le cancer colorectal est le troisième plus répandu et le deuxième plus meurtrier. Bien évidemment, nous informons aussi sur d’autres cancers comme le cancer du poumon, le plus meurtrier (31 000 nouveaux cas par an et plus de 26 000 décès), ou le cancer de la prostate qui est le plus répandu (62 000 nouveaux cas par an). »
Vous êtes en pleine campagne d’information sur le cancer du sein. Comment se déroule le dépistage ?
P. F. : « En France, il existe un programme qui cible les femmes de 50 à 74 ans (c’est-à-dire plus de 8 millions d’individus). Celles-ci sont invitées tous les deux ans à réaliser une mammographie dans le centre de radiologie agréé de leur choix. Des structures départementales de gestion leur envoient un courrier pour les inciter à prendre juste quinze petites minutes pour effectuer ce dépistage, pour elles entièrement gratuit puisque pris en charge à 100 % par l’assurance-maladie. Il faut rappeler aussi que 95 % des mammographies sont normales et que le geste de compression du sein n’est que rarement vécu comme une chose désagréable ou douloureuse. Une fois la mammographie faite et complétée par une échographie si nécessaire (en cas de sein dense ou de présence d’une anomalie), elle est revue par un second radiologue pour plus de sécurité. »
Quelle forme prendra l’information sur le cancer du sein cette année ?
P. F. : « Nous avons identifié quatorze grands freins au dépistage lors d’une enquête menée auprès de femmes âgées de 50 à 74 ans : manque de temps, peur de l’examen, peur du résultat, pudeur… Toute notre campagne de communication est donc orientée autour de ces deux axes : ôter ces freins aux femmes concernées et mobiliser leur entourage pour les aider à convaincre de faire le dépistage. Nous utilisons pour cela l’affichage public sur les abribus, des affichettes, ainsi que des kits « 14 arguments pour convaincre » à destination des spécialistes de santé. »
Comment les entreprises peuvent-elles agir ?
P. F. : « Les entreprises peuvent commander sur notre site Internet des outils de communication que nous leur envoyons gratuitement. Nous avons aussi une exposition que nous prêtons gratuitement à toute entreprise qui en fait la demande – par le biais de l’adresse mail infodepistage@institutcancer.fr, par exemple. Enfin, nous proposons un module informatique sur les bonnes raisons de participer au dépistage à cette même adresse et un dossier de presse rédigé dans un langage accessible. Nous voulons atteindre le plus fort taux de dépistage possible pour le cancer. »
Plus d’informations sur www.e-cancer.fr.
Cancer : les chiffres clefs en France
1re cause de mortalité
350 000 nouveaux cas par an
2 millions de personnes ont ou ont eu un cancer
Près de 50 % y survivent
2 à 5 millions de salariés seraient exposés à des agents cancérogènes
Taux de dépistage pour le cancer colorectal : 43 %
Taux de dépistage pour le cancer du sein : 53 %
Source : Institut national du cancer, août 2010