Entreprises familiales: les limites d’un modèle

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Un père contraint de fuir l’Italie de l’après-guerre, des conditions de vie difficiles en France, le pari inespéré d’une création d’entreprise en 1965… Stéphane Salini parle avec émotion des origines de son groupe, devenu une PME de référence dans le monde de l’immobilier d’entreprise. Il codirige aujourd’hui la société aux côtés de son frère Philippe.

 

Au cours des quatre dernières décennies, la société Salini a grandi progressivement, résistant aux crises successives, à l’épreuve de la mondialisation et de la férocité des concurrents. « Le statut d’entreprise familiale est un atout sur de nombreux points. Mais en prenant de l’envergure, certains obstacles apparaissent et deviennent peu à peu handicapants, jusqu’à obliger les dirigeants à changer de fusil d’épaule », explique le directeur.

 

D’abord centrée sur la construction de bâtiments industriels, la société a étendu ses activités à la promotion immobilière, l’architecture, l’investissement et le service. Elle compte aujourd’hui 90 salariés et fédère plusieurs champs de compétences dont la maintenance technique, la réhabilitation environnementale. À partir de 1990 et suivant sa politique de développement, Salini crée une division « clé en main » qui intègre pour ses clients la prise en compte des besoins et une approche globale du service immobilier. C’est le début d’une importante stratégie de diversification.

 

En 2004 est fondée la structure Salini Services, avec la volonté de proposer une gamme de compétences pour des services multitechniques : maintenance et entretien, sécurité, hygiène et propreté, audit technique, financier et environnemental… Il y a dix ans encore, le chiffre d’affaires du groupe était de 2 millions d’euros par an. Il atteint 19 millions en 2006, 40 millions en 2009 et dépassera peut-être les 50 millions en 2010. Et la réhabilitation environnementale de l’immobilier, nouveau fer de lance de Salini, est une activité promise à un bel avenir.

 

« Si nous avons réussi à muter ces dernières années et à diversifier nos activités dans notre secteur, c’est justement parce que nous sommes une structure familiale dont la stratégie à long terme n’est pas entravée par des objectifs de rentabilité immédiate. S’il fallait satisfaire des actionnaires ou des partenaires financiers extérieurs, la société n’en serait pas là ! », estime Stéphane Salini. Le groupe met en place des Business Plan sur cinq ans. « Les périodes de crise qui surviennent ne changent pas nos projets, même si elles sont douloureuses. Si nous pouvons opérer de la sorte, c’est uniquement grâce à notre statut », poursuit-il. La rapidité dans les prises de décision est un autre point fort de l’entreprise. Son comité exécutif se compose de cinq personnes. « Rien de plus simple que de nous réunir. En seulement quelques minutes, nous validons les décisions les plus importantes », souligne le dirigeant.

 

Une transition difficile
« Nous pesons quelque 50 millions d’euros de chiffre d’affaires actuellement et souhaitons passer à 200 millions à plus long terme. C’est là que la situation devient plus compliquée », regrette Stéphane Salini. Pour arriver à ce résultat, les partenaires financiers ont plutôt tendance à chercher l’acteur qui pourrait racheter l’entreprise ou prendre des participations importantes. « En France, on fait trop peu confiance aux sociétés familiales ayant une certaine taille pour qu’elles puissent s’imposer par elle-même. Si 20 % de notre capital était détenu par une grande banque, nous serions plus crédibles dans nos ambitions », déplore-t-il. Le groupe est-il arrivé seul au bout d’un processus ?

 

La société veut passer à l’international, saisir de nouvelles opportunités à l’étranger. Stéphane Salini constate que « le fait d’être une structure familiale est un frein dans ce genre de situation ». La présence d’une grande banque nationale dans l’escarcelle de la structure constituerait bien sûr un appui fort pour un développement à l’étranger. Salini ne dispose malheureusement pas des réseaux que pourraient apporter d’autres acteurs inclus dans le capital. L’entreprise peut chercher du soutien par elle-même auprès des chambres consulaires ou d’autres structures. « Procéder de la sorte et grandir à l’étranger de manière organique prendrait beaucoup trop de temps. Nous avons donc choisi de privilégier la piste de la croissance externe. Se rapprocher d’une entreprise qui connaît déjà son marché local et sa culture constitue un atout précieux », estime le dirigeant.

 

Déjà en relation avec un client italien pour un projet à venir, l’entreprise souhaite profiter de cette opportunité pour s’implanter durablement en Italie. Le Maroc fait également partie de ses priorités. Salini y cherche des partenaires locaux. Pour pouvoir déployer rapidement son offre dans le domaine de la réhabilitation environnementale des bâtiments, le groupe a racheté une société spécialisée dans les diagnostiques immobiliers. « Il arrive un moment où, sans renier les stratégies passées et les valeurs qui ont forgé l’histoire de l’entreprise, il faut savoir évoluer pour pouvoir continuer à grandir », conclut le dirigeant.

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