Dans un contexte économique global défavorable, l’inconfort et l’incertitude des investisseurs américains sont tangibles mais la France demeure un territoire très attractif à leurs yeux
L’AmCham (Chambre de Commerce Américaine en France) et le cabinet de conseil Bain & Company ont publié mercredi 15 février la 23ème édition du Baromètre AmCham-Bain, qui mesure chaque année le moral des investisseurs américains en France et leur perception de l’attractivité de la France et de son environnement économique. Quatre chiffres clés méritent d’être mis en avant cette année :
1/ Pour 60% des répondants, les efforts de l’État sur la transition écologique ont un impact positif sur l’attractivité de la France, vue comme étant à l’avant-poste de la transition pour de nombreux investisseurs en comparaison aux autres pays du monde. Certains mentionnent qu’elle pourrait faire mieux et même accroître sa compétitivité si elle devenait l’exemple à suivre en matière de réglementations européennes.
2/ 69% des répondants ont une perception positive ou très positive du système de formation professionnelle en France (+19 points vs 2021). La remise en valeur de l’apprentissage, ainsi que la qualité des formations d’ingénieur et globalement de l’éducation supérieure en France sont valorisées par les investisseurs.
3/ La France dispose d’un riche écosystème d’innovation largement plébiscité par les entreprises américaines. En effet, la perception de l’écosystème d’innovation français reste positive ou très positive pour 81% des répondants et plus d’1 entreprise américaine sur 2 collabore avec des start-ups françaises. Aussi, 85% des investisseurs américains considèrent que la qualification de la main d’œuvre est une force de la France en matière d’innovation et près de 70% des répondants pensent que le soutien de l’État à la nouvelle économie est également une force.
4/ Pour plus de 90% des entreprises américaines, la qualité de vie reste un stimulant fort de l’attractivité de la France, tout comme l’accès à la santé, pour 80%.
Perception : la France demeure une destination attractive pour les investisseurs américains à bien des égards, malgré un contexte économique et social difficile
• Le NPS de la France comme destination d’investissement reste à des niveaux très encourageants
Bien qu’en léger reflux, le score NPS* de la France (-12%) reste au-dessus de la moyenne constatée entre 2016 et 2021. La volonté du gouvernement de faire évoluer le pays sur ses points faibles structurels et les politiques de soutien conjoncturel à l’économie ont été valorisées par les répondants. Cependant, le climat social tendu, la perception d’un fossé culturel avec les manières de faire et de penser anglosaxonnes ou encore la sensation d’une préférence nationale sont des ombres non négligeables au tableau de l’attractivité française. 18% des répondants sont tout de même prescripteurs.
*Net Promoter® est une marque déposée par Bain & Company, Inc., Fred Reichheld et Satmetrix Systems, Inc. Le Net PromoterSM Score (NPS®) mesure la propension à recommander un pays, une entreprise ou un produit à travers une unique question : «recommanderiez-vous ce pays, ce produit ou cette entreprise à vos amis ou à vos collègues ?». Les répondants attribuent en réponse une note de 0 à 10 qui permet de les classer en trois catégories
• Les principaux critères d’investissement des entreprises américaines en France sont le contexte économique, le climat social et la main d’œuvre
Les cinq critères d’investissement les plus regardés pour une entreprise ont peu varié depuis 2021. Il s’agit du contexte économique, du climat social, de la qualification, de la disponibilité et du coût de la main d’œuvre. A noter : la législation sociale gagne 6 places (de 14ème à 8ème), confirmant le fait que les investisseurs recherchent de la flexibilité dans un contexte très incertain et imprévisible.
• Forces et faiblesses de la France du point de vue des investisseurs américains
La qualité de vie, l’environnement culturel et la position géographique, forces historiques du pays, sont rejointes par son excellente capacité d’innovation et de recherche, des infrastructures de qualité et la haute qualification de la main d’œuvre française, notamment de ses ingénieurs. Côté faiblesses du pays, le coût de la main d’œuvre (embauche ou licenciement) ainsi que la complexité administrative font partie des points à améliorer.
• La France est un pays recommandé pour les collaborateurs étrangers
En 2022, 34% des répondants ont déclaré qu’ils recommanderaient à un collaborateur étranger de venir s’installer en France – un niveau jamais atteint dans les six éditions précédentes. On recommande la France pour son cadre de vie et sa culture (patrimoine, gastronomie, climat, diversité des paysages), son dense réseau d’infrastructures, l’accès aux soins de santé et aux prestations sociales et le coût raisonnable de la vie.
• Capacité d’innovation et esprit entrepreneurial : la France dispose d’un riche écosystème d’innovation soutenu par un maillage de start-ups nationales de plus en plus intégrées
La perception de l’écosystème d’innovation reste positive ou très positive pour 81% des répondants (+1pp vs. 2021). La perception négative recule quant à elle de 7% en 2021 à 2% en 2022. Comme les années précédentes, la qualification de la main d’œuvre et notamment des ingénieurs, le soutien de l’Etat à la nouvelle économie ou encore les infrastructures IT demeurent de grands atouts pour la France.
• Le système de formation professionnelle est un atout pour la France, bien que le pays soit perçu comme insuffisamment préparé aux enjeux des métiers de demain
Près de 70% des répondants ont une impression positive ou très positive du système de formation professionnelle français. Ce chiffre est en nette hausse par rapport à 2021. Toutefois, 40% des répondants considèrent la France comme insuffisamment préparée aux enjeux des métiers de demain, notamment côté cybersécurité et transition énergétique.
• Des tensions existent sur le marché du travail en France, comme ailleurs dans le monde
98% des répondants ont affirmé avoir eu quelques problèmes (66%) ou d’importants problèmes (32%) de disponibilité de la main d’œuvre en 2022. Les problèmes de recrutement concernent tous les secteurs de l’industrie et plus particulièrement les secteurs de l’informatique, de l’industrie aéronautique et de l’électronique/électricité, sur toutes les typologies de métiers, des profils opérationnels / manutentionnaires jusqu’aux ingénieurs, en passant par les techniciens.
• Le télétravail ralentit sa progression tout en polarisant les opinions sur la plus-value qu’il apporte
La tendance au télétravail ralentit lentement. 45% des répondants continuent d’indiquer une augmentation du télétravail (-22ppts vs 2021) et 25% ont mentionné une diminution (deux fois plus qu’en 2021). Alors que 66% estiment que le télétravail a un impact positif (vs. 57% en 2021), 22% des répondants considèrent l’inverse (vs. 11% en 2021).
• La transition écologique est en marche mais doit encore s’adapter au contexte mondial actuel et aux imprévus conjoncturels
En 2022, les enjeux de transition écologique sont plus cruciaux que jamais. Les efforts de l’Etat à ce sujet ne passent pas inaperçus : pour 60% des répondants (+8ppts vs 2021), ces efforts sont même un avantage pour la compétitivité française. Le pays est vu par beaucoup d’investisseurs comme en avance sur le sujet en comparaison de ses voisins européens, notamment grâce à son mix énergétique plus décarboné que d’autres.
• L’impact de la hausse de l’énergie et de l’inflation est limité, avec des coûts en partie déjà compensés dans les entreprises
Pour les deux tiers du panel, les investissements n’ont pas été impactés négativement par la hausse des prix de l’énergie et l’inflation qui ont touché la France en 2022. La moitié des répondants (56%) peut se permettre de compenser en partie les hausses subies, que ce soit par une répercussion de l’inflation aux clients, ou bien par des plans de négociations fournisseurs ou d’optimisation des dépenses.
• La situation politique évolue pour ce second quinquennat dans un contexte d’inquiétude croissante sur la dette souveraine
Pour 47% des répondants, la priorité des réformes du second quinquennat Macron est la diminution de l’impôt sur les sociétés, perçu comme un handicap et « irritant » majeur à l’heure de l’économie mondialisée. En seconde position, à un degré de priorité presque identique (45%), l’accélération de production d’énergies renouvelables est fortement plébiscitée par les répondants.
• L’attractivité des régions de France : Paris et sa région demeurent largement en tête
L’attractivité de la France se joue aussi au niveau régional. Les facteurs déterminants dans le choix d’une région sont la localisation géographique, la qualification et la disponibilité de la main d’œuvre, la qualité des infrastructures et le dynamisme économique. La région Ile-de-France demeure la région dans laquelle le plus d’entreprises de répondants sont implantées, avec 75% des entreprises répondantes. La région Auvergne-Rhône-Alpes s’inscrit en seconde position (4ème en 2021 avec 28%), puis viennent les Hauts-de-France (20%).
Projections : dans un contexte économique incertain, la France a su renforcer ses atouts
• L’évolution attendue du contexte économique est moins favorable que les années précédentes
Alors que 74% des investisseurs américains anticipaient une évolution positive du contexte économique à horizon court terme en 2021, ce chiffre tombe à 22% pour 2022. La solide reprise économique mondiale dont la France était la figure de proue s’est ralentie pour laisser place à des niveaux d’inflation inédits, un contexte géopolitique tendu, un accès aux matières premières amoindri et une pénurie de main d’œuvre. Face à l’instabilité actuelle et au contexte économique à venir encore flou, les investisseurs restent prudents.
• Le niveau d’emploi reste majoritairement stable
Malgré les inquiétudes exprimées, 56% des répondants prévoient que le nombre d’employés de l’entreprise devrait rester stable dans les 2 à 3 prochaines années. Pour eux, la situation reste assez bonne pour ne pas avoir besoin de rationaliser les effectifs, mais diverses raisons ne permettent pas non plus de les augmenter. Néanmoins, pour 27% des répondants, les effectifs devraient tout de même augmenter à court terme, notamment pour suivre la reprise d’activité post-Covid ou dans le cas d’une stratégie de croissance de groupe.
• La France renforce ses atouts aux yeux des maisons-mères américaines
La perception de la France par les maisons-mères américaines demeure positive ou excellente pour 58% d’entre elles (-5pp vs. 2021). Le nombre de répondants pour qui la perception est «mauvaise» reste à un niveau aussi contenu qu’en 2021, à 9% (+2pp vs. 2021). Cela s’explique notamment par l’efficacité des mesures prises par le gouvernement quant à la limitation de l’inflation. La force des fondamentaux du pays (qualité de la main d’œuvre, qualité des infrastructures, localisation centrale en Europe …) ainsi que son marché intérieur – dynamique économiquement, bien placé en termes d’innovation et en avance lorsqu’il s’agit de la transition écologique – constituent par ailleurs le socle de l’attractivité française aux yeux des maisons-mères américaines.
Recommandations et engagements de l’AmCham en France
Dans ce contexte chahuté, l’AmCham continuera de s’engager auprès des pouvoirs publics et de la société civile afin de renforcer et de promouvoir toujours plus l’attractivité de la France. C’est en ce sens qu’elle formule les 5 recommandations suivantes :
1/ Repenser dans le temps et dans leurs ambitions les filières d’éducation et de formation du pays, tout en promouvant la complémentarité des générations et l’égalité des accès à certains métiers ;
– La pénurie de main-d’œuvre constitue aujourd’hui une source de préoccupation majeure pour les entreprises américaines en France. D’ici 2030, 1,5 million de talents numériques manqueront à la France pour répondre à ses propres besoins. Dans ce contexte, l’AmCham France soutient les efforts du gouvernement en vue de cibler et de calibrer les filières de formations vers les métiers de demain, et ceux en carence aujourd’hui dans le pays, en capitalisant notamment sur l’excellence du système de formation professionnelle.
– L’AmCham France incite également le gouvernement à diversifier davantage les profils et milieux socio-professionnels auxquels s’adressent ces formations, à poursuivre ses efforts en matière d’égalité hommes-femmes et à reconsidérer l’emploi des seniors.
– L’AmCham France recommande d’investir dans un environnement d’accueil plus attractif pour les talents étrangers, en renforçant les offres éducatives et académiques.
2/ Persévérer dans la mise en œuvre de réformes économiques et sociales ambitieuses ;
– Alors que la réforme sur le travail et sur l’assurance chômage est prévue au printemps, l’AmCham France invite les pouvoirs publics à travailler sur les leviers permettant une réduction drastique du coût du travail et une plus grande flexibilité de la durée du travail. Une harmonisation ou une simplification des régimes liés au coût et à la flexibilité du travail serait bienvenue.
– L’AmCham France encourage les pouvoirs publics à poursuivre et accélérer la dynamique de réduction des impôts de production initiée en 2021, plébiscitée par les investisseurs. L’AmCham France insiste sur l’importance de rassurer les investisseurs quant à la stabilité de la fiscalité directe des entreprises (Impôt sur les Sociétés).
3/ Accélérer la réindustrialisation de la France en particulier sur les marchés du numérique, de l’énergie et de la R&D, qui représentent de forts potentiels d’activités pour les investisseurs américains ;
– L’AmCham France recommande de multiplier les efforts visant à accompagner la transition numérique des territoires et des entreprises, en particulier des TPE, PME et ETI. Cela inclut un soutien massif du plan du gouvernement visant à former plus de 400 000 personnes aux emplois du numérique d’ici 2030.
– L’AmCham soutient la volonté de la France d’être la première grande nation à sortir des énergies fossiles en développant une économie décarbonée et pérenne, notamment grâce à l’extraordinaire vivier d’innovations en matière d’économie décarbonée en France.
4/ Promouvoir davantage l’attractivité des régions et des métropoles ;
– L’AmCham France recommande d’accompagner l’effort collectif pour favoriser la richesse et la diversité des territoires français, en renforçant la collaboration entre l’Etat, les conseils régionaux, les agences de développement économique, les consulats et l’ensemble des acteurs œuvrant à la promotion de leur territoire.
– La mise en avant coordonnée de “hubs” spécialisés et complémentaires au sein des territoires et leur collaboration renforceraient l’attractivité des régions. Une plus forte collaboration entre l’Etat et ses territoires serait force d’attraction pérenne.
5/ Poursuivre et accélérer le chantier de simplification administrative, afin de ramener la France à un niveau de compétitivité équivalent à celui de ses voisins européens.
– L’AmCham France reconnaît les efforts du gouvernement en matière de lutte contre la lourdeur et la complexité des procédures administratives en France. Elle recommande de faire de cet enjeu une priorité centrale et s’engage à accompagner le gouvernement dans la promotion des initiatives et mesures mises en place auprès de la communauté des affaires franco-américaine. Il convient également de mettre fin aux initiatives de surtransposition des directives européennes.
– Enfin, faciliter et mieux accompagner l’arrivée et l’installation de collaborateurs expatriés ou détachés des entreprises s’installant en France et de leurs familles (démarches administratives, accompagnement, intégration…) participerait à améliorer l’attractivité du pays.
L’AmCham France a été fondée en 1894 pour promouvoir les échanges économiques entre la France et les États-Unis. En tant que plateforme de rencontre, de réflexion et d’échange, l’AmCham France agit comme un trait d’union entre les milieux politique, économique et académique. Elle regroupe aujourd’hui 200 entreprises françaises et américaines de premier plan ainsi que de nombreux partenaires académiques et économique attachés à la relation transatlantique. Indépendante de tout gouvernement, et convaincue que les entreprises ont un rôle crucial à jouer pour faire émerger de nouvelles idées dans le débat public, elle est force de propositions pour répondre aux grands défis sociétaux, économiques et environnementaux. A ce titre, l’AmCham France s’attache à renforcer l’attractivité de la France. Elle œuvre ainsi, au nom de ses membres, auprès des décideurs publics pour développer et consolider un environnement français favorable aux entreprises internationales, et notamment américaines, qui sont les 1ers investisseurs et employeurs étrangers en France.
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