Dans l’industrie, les «zones blanches» désignent les périodes improductives entre deux opérations. Pour rester compétitives dans un environnement incertain, les entreprises françaises doivent optimiser les flux de leur fonctionnement et réduire ces pertes de temps. Des modèles d’entreprises agiles montrent la voie. Quelles sont les clés de leur succès ? Dominique Andreux, CEO de QRE (QUICK RESPONSE ENTERPRISE), spécialiste de la méthode QRM, et Patrick Berthet, dirigeant de Conductix-Wampfler et utilisateur de la méthode, partagent leurs approches.
Source : Informations Entreprise n°193, Trimestre #1 2025

Dans votre présentation, vous utilisez l’expression «innover ou disparaître». Est-ce qu’on ne devrait pas plutôt parler de «s’agiliser ou disparaître» aujourd’hui ?

Dominique Andreux : Oui, absolument. Andy Grove, ancien président d’Intel, le disait déjà : «Quick or dead». Aujourd’hui, cette idée est encore plus pertinente. «S’agiliser ou disparaître» résume parfaitement l’enjeu des entreprises confrontées à un monde VUCA (volatil, incertain, complexe et ambigu). Ce concept, initialement utilisé par le Pentagone, s’applique désormais aux affaires et reflète la nécessité d’une adaptation permanente face aux évolutions rapides.

Comment la méthode QRE s’adapte-t-elle aux différents secteurs et tailles d’entreprise ? Vous vous placez dans la peau d’une commande pour analyser le flux, c’est ça?

D.A. : Pour fluidifier le fonctionnement des entreprises, QRE utilise les principes scientifiques de la méthode Quick Response Manufacturing / Management (QRM), développée par Rajan Suri en 1998, pour gérer les flux complexes. La méthode consiste à observer les flux dans l’entreprise à travers le prisme de l’objet client (cela peut être une commande, un projet, un client, un patient, etc).

 

Comment donner du sens aux collaborateurs dans ce type de transition ?

D.A. : L’humain et les équipes sont la pierre angulaire de toute transformation. Personne n’est coupable, c’est juste le fonctionnement qui n’est plus adapté face à une variabilité accrue. Nous pratiquons un diagnostic en profondeur du fonctionnement et nous rendons visible l’invisible, c’est à dire toutes les perturbations et variations qui génèrent de l’attente et de la frustration chez les clients et chez les collaborateurs. Nous réalisons une sorte d’IRM du fonctionnement.

Comment QRE assure la pérennité des transformations ?

D.A. : Notre approche est itérative, nous facilitons la transformation sur des périmètres de flux démonstrateurs successifs. Nous formons et coachons des référents en interne, nous facilitons et dynamisons les équipes et les idées pour expérimenter des «quick wins» et nous mesurons les progrès par la réduction des zones blanches et l’élimination de «cailloux dans la chaussure» des acteurs du flux. Nous pouvons aussi créer une QRM Academy interne à l’entreprise pour ancrer l’agilité dans l’ADN de son fonctionnement.

Quels sont les principaux défis pour une entreprise s’engageant dans ce type de transformation ? Nous imaginons bien qu’il doit être difficile de vendre au dirigeant un changement sur trois ans.

D.A. : En phase de pré-diagnostic, nous accompagnons le dirigeant pour clarifier ses enjeux stratégiques et les bénéfices ciblés à engager une transformation agile du fonctionnement de son entreprise pour générer un atout concurrentiel. Ensuite l’approche par démonstrateurs successifs rassure et permet de faire la preuve par le résultat, à travers l’amélioration de la performance opérationnelle et l’appropriation par les équipes. Ces victoires, mesurées avec l’indicateur MCT (représentation schématique de comment le temps s’écoule dans le fonctionnement vu par l’objet client), rendent le changement concret et motivant.

Quel est le premier mot d’ordre de la méthode QRE ?

D.A. : Le statu quo n’est pas une option ! La mise en lumière des zones blanches et des «cailloux dans la chaussure» des acteurs du flux, poussent à l’action, à créer des démonstrateurs d’agilité. Le projet d’entreprise repose sur le principe «tous au service du flux». Si une seule personne veut faire changer le fonctionnement, ça ne marche pas. D’où cette approche globale, holistique, qui permet de voir et comprendre le flux de A à Z, d’embarquer les équipes et de rendre chaque personne acteur du progrès pour plus simple, plus fluide, plus collaboratif.

Patrick Berthet, vous êtes le dirigeant d’une entreprise spécialisée dans les radiocommandes sécuritaires dans le levage industriel et l’intralogistique, et vous utilisez ces services. Quels facteurs vous ont incité à entamer cette transformation ?

Patrick Berthet : Le facteur principal est de répondre aux demandes de nos clients. Dominique a bien expliqué le monde VUCA, un changement profond qui va durer dans le temps. Les consommateurs deviennent plus exigeants, ils changent leurs demandes en cours de journée, tout en gardant une livraison prévue le lendemain. C’est devenu la norme.

Comment gérez-vous cela ?

P.B. : Il n’y a plus le choix : il faut répondre à cette demande, sinon on est hors-jeu. La complexité, c’est que les clients ne sont pas prêts à payer pour cette flexibilité, nous devons l’intégrer dans nos processus tout en maintenant notre rentabilité.

Quand avez-vous analysé ce besoin de transformation ? Y a-t-il eu un déclencheur ?

P.B. : Le monde évolue de plus en plus vite : ce qui fonctionne aujourd’hui, ne marchera peut-être plus dans les années à venir. C’est juste une question de temps. Pour rester compétitif, il faut accepter de se remettre en question régulièrement pour rechercher l’excellence. Et ça commence ici et maintenant. Le vrai défi est d’embarquer les collaborateurs dans cette vision. C’est stratégique car le monde est très concurrentiel.

Qu’est-ce que cette transformation a mis en lumière dans votre entreprise ?

P.B. : Nos clients exigent flexibilité et rapidité, ce qui nécessite une agilité accrue. La méthode QRM nous a permis de résoudre des problèmes invisibles, comme des tâches à non-valeur ajoutée qui devenaient de vrais «cailloux dans les chaussures» pour nos équipes. Par exemple, une tâche d’ajustement des stocks, qui prenait 45 minutes par jour, a été réduite à cinq minutes en seulement quelques semaines.

Comment la collaboration entre équipes est-elle impactée ?

P.B. : On arrête de se repasser la patate chaude. On est tous au service du flux et du client. L’objectif est de satisfaire le client afin de garder sa confiance et sa fidélité. Les équipes partagent une vision globale ce qui leur permet de mieux collaborer.

La méthode QRM a-t-elle un impact sur le développement commercial ?

P.B. : Oui, clairement. Cela permet de répondre sereinement à la croissance, en évitant de surcharger les équipes. On ne fait pas sprinter les équipes sur un marathon. C’est une question de résilience dans le temps.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises ?

P.B. : Prendre la bonne décision au bon moment dans un monde de plus en plus incertain. C’est pour cette raison qu’il faut transformer son entreprise pour rester compétitif et qu’il faut échanger avec ses pairs pour confronter les points de vue et se nourrir d’autres expériences. J’ai eu la chance de suivre le programme Accélérateur Solution Industries du Futur en 2021 et la communauté des Accélérés BPI est parfaite pour ce type d’échanges.

Vous avez mentionné le QRM Institute, pouvez-vous nous en dire plus ?

Dominique Andreux : Oui, QRE est cofondateur du QRM Institute, une association mondiale (14 pays aujourd’hui) qui partage des cas pratiques, forme et certifie les professionnels aux principes des flux complexes et à l’art de faciliter les transformations. C’est un réseau qui permet de partager des expériences, de se challenger et de réinvestir pour adapter l’agilité QRM dans tous les secteurs et dans tous les pays.

Quelle est la vision de QRE en matière d’agilité des entreprises pour les 10 prochaines années ?

D.A. : Dans un monde de plus en plus complexe et incertain (VUCA), la raison d’être de QRE est d’accompagner les équipes pour leur transmettre les ingrédients d’un développement pérenne, de bâtir des entreprises plus agiles en combinant la puissance de l’intelligence artificielle et de l’intelligence collective. Si l’IA permet un traitement efficient de l’information, c’est l’intelligence collective qui dynamise les transformations et engage les individus dans le progrès.

Tout le monde craint le changement, et tout le monde désire le progrès. La mission de service de QRE aux entreprises s’inscrit dans le progrès pour des fonctionnements plus simples, plus fluides, plus collaboratifs, avec des équipes transverses plus autonomes et épanouies.

QRE rêve de créer une communauté d’experts de l’agilité, certifiés QRM Institute GOLD®, pour diffuser l’ADN de l’agilité dans les entreprises.

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur : QUICK RESPONSE ENTERPRISE

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