Les CCI allemandes contre l’instauration d’un smic en Allemagne

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Tabou pour les chefs d’entreprises, l’instauration d’un « smic » est de plus en plus évoquée par l’ensemble de la classe politique à l’approche des élections législatives de septembre. Quelle qu’en soit l’application, un salaire minimum imposé par le gouvernement ferait voler en éclat la sacro-sainte autonomie de négociation salariale entre patronat et syndicats.

 

« Du poison pour notre marché du travail », c’est par ces mots que Hans Heinrich Driftmann, président de la DIHK, la fédération des CCI allemandes, réfute catégoriquement l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne. Il résume ainsi la position des entreprises allemandes face à ce projet, alors que la République fédérale est l’un des rares pays européens avec la Suisse, la Finlande ou encore le Danemark à ne pas détenir de salaire minimum. C’est ainsi qu’un coiffeur gagne 3,05 euros de l’heure à l’Est du pays ou encore 5, 11 euros à l’Ouest, qu’en Saxe, un plombier perçoit 4,06 euros, soit deux euros de moins que son collègue bavarois ou encore qu’un fleuriste payé 7, 73 euros à l’Ouest n’est rémunéré que 4,30 euros à l’Est. L’hôtellerie-gastronomie de son côté ne rémunère l’heure que 6,90 euros à l’Est et 9,32 à l’Ouest. Pour dix branches d’activité uniquement, un salaire mininum a été jusqu’à ce jour conclu, allant de 6,50 euros (vigiles) à 12,81 euros (mines).

 

 

 

8,50 euros de l’heure

Refusé catégoriquement par l’ensemble de la classe politique et par les syndicats pendant de nombreuses années, le salaire minimum fait un retour en force.   

Le Bundesrat (la chambre haute), désormais dominé par les länder sociaux-démocrates vient de voter une proposition de loi instaurant un salaire horaire minimum à 8,50 euros. Les länder chrétiens-démocrates appartenant à la majorité gouvernementale tentent de faire barrage. Mais pour combien de temps encore ? Car l’institution d’un « smic » domine désormais la campagne électorale pour les législatives de septembre prochain.

 

Les sociaux-démocrates ont été les premiers à se lancer dans ce débat, leur candidat à la chancellerie, Peer Steinbrück, promettant qu’un salaire horaire minimum à 8,50 euros serait la première mesure qu’il mettrait en place s’il était élu. Le parti Die Grünen (les Verts) le fixe à 7,10 euros tandis que le parti de gauche radicale, die Linke met la barre à 10 euros.

La ligne bouge également du côté des chrétiens-démocrates au pouvoir, qui ne peuvent demeurer insensibles au sujet. De même, le parti libéral, jusqu’à présent farouchement opposé, concède quelques aménagements par branche et par région. Quant aux syndicats, qui ont longtemps craint qu’un salaire minimum ne nivelle par le bas les revendications salariales, ils en font aujourd’hui leur nouveau cheval de bataille.

 

 

Soulager l’Etat

Les syndicats ne manquent pas de remarquer que les salariés ne seront pas les seuls à bénéficier de cette revalorisation de leurs rémunérations. « L’Etat sera lui aussi soulagé des aides sociales versées pour compenser ces bas-salaires à concurrence du minimum social „ expose Claus Matecki, secrétaire général du DGB, la confédération syndicale.                    

Brandissant le slogan « non aux salaires de misère », les syndicats dénoncent les manœuvres des représentations patronales qui veulent aménager le montant du salaire minimum par branches et par régions. À l’instar du président des CCI, qui affirme que l’introduction d’un smic « écarterait du marché de l’emploi les personnes sous-qualifiées », le BDA * (équivalent du Medef) en appelle à la justice sociale. Selon lui, les personnes peu qualifiées ou les chômeurs de longue durée « se verront dérober toutes perspectives d’embauche, car le salaire minimum sera plus élevé que la productivité effective de leur poste. » Et de citer une étude de l’institut économique Ifo selon lequel, un «smic » à 8,50 euros provoquerait 1,2 million de chômeurs supplémentaires. C’est un fait que s’il était instauré, 19 % de salariés allemands verraient du jour au lendemain leur salaire revalorisé (29 % pour un smic à 10 euros).         

 

Au-delà du poids qu’il représenterait pour les entreprises, ce « smic » ouvrirait une brèche dans le dialogue social allemand, dont l’originalité est l’autonomie des partenaires sociaux (syndicats et représentations du patronat) dans les négociations collectives. Car, comme le rappelle le président des CCI allemandes : « Des salaires minimaux « légaux » sont très problématiques. Ce serait une erreur de vouloir les fixer politiquement. L’autonomie tarifaire doit être absolument protégée. » Comme le prévoit la loi fondamentale allemande.

 

*Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeberverbände

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