David Michaelis, président de la Chambre de commerce d’Australie: « L’inflation est pour nous un sujet de préoccupation permanent »

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David Michaelis, 65 ans, a été élu président de la Chambre australienne en novembre 2009. Originaire de Grande-Bretagne, il a travaillé, entre autres, pour les cabinets d’avocat McKenna & Co et Lovell White & King à Londres, puis Malleson Stephen Jaques à Sydney. À la retraite depuis 2001, il préside et dirige le fonds de pension Asset Super (Industry Superannuation Fund), et appartient au comité du Conseil australien des investisseurs en fonds de retraite (Australian Council of Superannuation Investors). Il est aussi directeur de la Chambre de Nouvelle-Galles du Sud (NSW Business Chamber) et de la Chambre de Sydney.

 

Commerce International : Pourriez-vous, pour commencer, nous rappeler comment fonctionne la Chambre de commerce et d’industrie australienne, l’ACCI ?

 

David Michaelis : « L’ACCI rassemble les chambres de commerce et d’industrie d’état, ainsi qu’une trentaine d’associations professionnelles australiennes. Représentant le monde des affaires au niveau fédéral, elle constitue l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. Elle est reconnue comme un interlocuteur valable tant au niveau national que dans les différents états et territoires de l’Australie. Sa mission : élaborer les propositions politiques que les membres des chambres d’état souhaitent voir mener à travers tout le pays. Bien qu’elle ne compte aucun adhérent individuel direct, elle reçoit quantité d’informations en provenance des chambres d’état. Elle mène d’ailleurs de nombreuses enquêtes, que celles-ci transmettent à leurs propres membres avant d’en faire remonter les résultats. »

 

Quels sont vos principaux projets et ambitions pour votre mandat, et quels sont les principaux sujets auxquels la Chambre va devoir s’intéresser dans les prochains mois ?

 

D. M. : « Bien que mon mandat soit d’une durée d’un an, le président exerce en général, à l’instar de mon prédécesseur, pendant une période de deux années. Le premier sujet auquel la Chambre va à mon sens devoir s’intéresser concerne le réchauffement climatique. Avant la conférence de Copenhague, le gouvernement australien projetait de mettre en œuvre un schéma de réduction de la pollution au carbone (Carbon Pollution Reduction Scheme, dit CPRS). En l’absence de consensus mondial, l’ACCI estimait que ces mesures risquaient surtout de pousser les entreprises à délocaliser leurs activités dans d’autres pays. Pour nous, introduire ce schéma de façon unilatérale, en anticipant sur le reste du monde, présentait un double risque : nuire à l’économie australienne sans réduire les émissions de CO2. »

 

Quelle est votre position aujourd’hui suite à la conférence de Copenhague et au changement climatique ?

 

D. M. : « Le gouvernement n’a pas mis en œuvre ce schéma et nous nous en réjouissons. Nous sommes conscients de la nécessité d’agir pour lutter contre le changement climatique. Mais nous souhaitons éviter que cette action ne nous isole vis-à-vis du reste du monde, sous peine d’être inefficace et de nuire à l’économie australienne. Le gouvernement n’a, à ce jour, pas renoncé à son idée de plan. Mais depuis la conférence, la population ne semble plus guère vouloir que nous procédions avant tout le monde. Comme nous, les Australiens veulent certes réduire les émissions de CO2, mais pas au détriment de leur emploi. »

 

Quelles sont donc vos recommandations en la matière ?

 

D. M. : « Elles sont en cours d’élaboration et je ne peux pas encore vous les indiquer. Ce que je peux vous assurer, en revanche, c’est que nous tenons beaucoup à décourager le gouvernement à procéder à la mise en œuvre de son plan, et que nous soutenons l’idée d’une action dans un cadre international. »

 

Quels sont vos autres sujets de préoccupation ?

 

D. M. : « Il semble que le gouvernement travailliste de Kevin Rudd (le Premier ministre australien, ndlr) souhaite prendre des mesures qui facilitent notamment la possibilité pour les travailleurs de faire grève (1). Le précédent gouvernement de John Howard avait, au contraire, fait passer des réformes qui selon nous amélioraient les relations sociales dans les entreprises. Nous sommes donc attentifs aux projets du gouvernement actuel, qui risquent d’affecter tant les affaires que l’emploi. Nous serons surtout vigilants sur la manière dont les mesures éventuellement prises seront appliquées. »

 

Comment décririez-vous la situation économique de l’Australie actuellement ? Comment, en particulier, la crise a-t-elle affecté l’économie australienne ?

 

D. M. : « Comparée au reste du monde, l’économie australienne s’en sort étonnamment bien. Cette résistance s’explique en grande partie par les besoins des économies émergentes. Notre pays a une base minière forte et des pays comme la Chine ou l’Inde dépendent beaucoup de nos approvisionnements en minéraux. Pour autant, nous n’avons bien sûr pas été épargnés. Les exportations de produits manufacturés ont été assez sévèrement touchées. Les petites entreprises ont particulièrement souffert et le taux de chômage, qui était de 3,9 % début 2008, atteignait 5,7 % fin 2009. C’est sans doute peu par rapport à bon nombre d’autres pays, mais la hausse n’en est pas moins nette. »

 

Dans ce contexte, comment jugez-vous la politique de la Banque centrale australienne ?

 

D. M. : « Au mois de décembre dernier, la Banque centrale australienne a augmenté ses taux d’intérêt pour le troisième mois d’affilée. Résultat : comparés aux taux en vigueur aux États-Unis ou en Europe, les taux en vigueur chez nous sont plutôt élevés. L’inflation est pour nous un sujet de préoccupation permanent et nous souscrivons à l’objectif de la Banque centrale de lutter contre l’inflation. Nous considérons néanmoins qu’il ne devrait pas y avoir de nouvelle augmentation. Dans le cas contraire, les entreprises, en particulier les PME, risquent de rencontrer des difficultés. »

 

Quel regard portez-vous sur la fiscalité en Australie ?

 

D. M. : « Lorsque nous interrogeons nos membres sur leurs principaux sujets de préoccupation, les impôts et les charges figurent régulièrement en tête de liste. L’Australie dispose d’un système complexe de taxes fédérales et de taxes d’État. Les hommes d’affaires ont l’habitude de jongler entre les premières et les secondes. Mais nous pensons que ce système mérite d’être simplifié. Certains prélèvements devraient en outre évoluer. Nous avons par exemple un impôt qui touche les entreprises en fonction du nombre de salariés qu’elles emploient et du turnover de ces derniers. Ainsi, toute société faisant travailler plus de vingt individus est susceptible de le payer. Voilà qui n’incite guère à augmenter le nombre de ses employés… »

 

La main-d’œuvre australienne vous paraît-elle adaptée aux besoins de l’économie ? Que pensez-vous de la politique d’immigration menée par votre pays ?

 

D. M. : « Dans l’ensemble, la main-d’œuvre australienne est plutôt bien adaptée aux besoins de l’économie. Seuls points à améliorer : certains secteurs connaissent une pénurie, notamment les entreprises minières. Le territoire de Nouvelle-Galles du Sud a également quelques difficultés à attirer les profils, surtout les plus qualifiés. Quant à la politique d’immigration, elle nous paraît bonne. Elle permet d’accueillir les immigrés dont le profil nous intéresse dans la mesure où nous ne sommes pas parvenus à recruter localement. C’est une approche à laquelle nous sommes d’autant plus favorables que l’Australie est un pays d’immigration. Je suis moi-même originaire de Grande-Bretagne, où j’étais avocat dans les années 1970. Et si la population augmente aujourd’hui en Australie, ce n’est certes pas grâce à l’accroissement naturel ! »

 

(1) La loi Fair Work Australia (2009) du gouvernement travailliste réforme certaines mesures de la loi WorkChoices du gouvernement Howard – lesquelles étaient particulièrement impopulaires auprès des Australiens.

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