Redistribution des cartes touristiques sur le continent africain

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Afriquetourisme_juin2010

S’il y a un événement qui ravit le Zimbabwe, c’est bien le Mondial de football organisé chez le voisin, en Afrique du Sud. Non pas, comme le pays l’espérait au départ, que l’événement attirera touristes européens et équipes de football, mais les Sud-Africains effrayés par le grabuge des fans de foot se ruent vers la destination zimbabwéenne. Un effet collatéral inattendu et plutôt apprécié après des années de disette touristique. Depuis près de dix ans, en effet, en raison des violences politiques et de l’inflation invraisemblable, les touristes avaient complètement délaissé le pays. Pour admirer les majestueuses chutes Victoria, inscrites au patrimoine de l’Unesco, ils lui préféraient la Zambie. Les revenus générés par le tourisme au Zimbabwe en avaient notablement souffert : 20 millions d’euros en 2008 pour 223 000 touristes, contre 280 millions d’euros et environ 1,4 million de visiteurs il y a dix ans.

 

La Namibie et le Botswana bénéficient également de cette tendance à contre-courant. Des destinations connues pour être plutôt haut de gamme, mais qui ravissent les Sud-Africains et autres vacanciers en quête de calme pendant la tempête. En revanche, les fans de foot voyageront non loin des stades et « les retombées sur les pays voisins seront minimes », explique Ian Anderson, directeur marketing de la chaîne Sun International, qui gère 37 hôtels en Afrique australe. Les locations faites dans 10 de ses hôtels, situés dans les pays voisins de l’Afrique du Sud, ont toutes été annulées par Match, le système de réservation de logements de la Fifa. « Nous ne vendrons pas ces chambres », poursuit-il. Match… Le mot était sur toutes les lèvres des professionnels du tourisme d’Afrique australe réunis au salon Indaba de Durban (province du KwaZulu-Natal), au début du mois de mai. Via cet outil, la Fifa a décommandé plusieurs centaines de milliers de réservations dans les hôtels sud-africains et voisins. Une nouvelle qui, trop tardive, n’a pas entraîné la baisse des prix espérée, alors que le facteur numéro un du manque de fréquentation de l’événement reste le coût très élevé du transport et de l’hébergement sur place.

 

De 450 000 touristes attendus pour l’événement, les prévisions de fréquentation sont passées à 360 000. Le chiffre de 250 000 a même été évoqué. Du coup, les professionnels du tourisme sud-africain ont complètement déchanté concernant les bénéfices à tirer des quatre semaines de compétition. « Nous ne ferons pas véritablement d’affaires en lien direct avec le Mondial », explique Sue Berry, employée d’un tour-opérateur basé à Johannesbourg. Certains établissements seront même moins actifs qu’en période normale. « Si nous n’avions pas eu la Coupe du monde, nos camps seraient plus remplis », confirme Sally Anne, manager de Safari Adventure. Le charme de ses tentes de luxe éparpillées en pleine brousse, éloignées des stades et des centres-villes, n’ont pas vraiment de succès. En revanche, tous s’accordent à dire que le principal bénéfice de la première Coupe du monde organisée en Afrique sera publicitaire : plus de 26 milliards de téléspectateurs attendus dans le monde, des heures de programmes télévisés consacrées au pays et au continent… Nul doute que les effets se calculeront sur le long terme.

 

L’Afrique dans le vent
Car le choix des destinations s’ajuste souvent sur des variables totalement éloignées des destinations elles-mêmes. Ainsi, le Kenya a bénéficié de « l’effet Obama » en 2007, lors de l’élection du premier président noir des États-Unis, du fait de ses origines kenyanes : le coup de projecteur sur le pays a entraîné une hausse significative du nombre de visiteurs américains. Les troubles politiques qui ont suivi ont toutefois stoppé cette croissance. Le pays vise les 3 millions de touristes par an d’ici 2012. Avec sa savane, ses animaux sauvages et le mythique Kilimandjaro, le pays chasse sur les terres de l’Afrique du Sud, leader incontesté en Afrique australe, qui table sur 10 millions de touristes en 2010.

 

À l’inverse, l’éruption du volcan islandais, qui a bloqué l’espace aérien plus d’une semaine, a eu des conséquences psychologiques négatives sur le déplacement des Européens, les plus touchés par le phénomène naturel. Ainsi, l’île Maurice a vu sa fréquentation chuter de 8 % sur la période et en a ressenti les effets quelques semaines encore après l’incident. « Les gens se demandent ce qui va se passer. Ils ont attendu de voir comment évoluait le volcan avant de se décider à partir », précise Siddik Bodhee, directeur marketing de l’établissement Mövenpick à Bel Ombre (au sud de l’île). Mêmes conséquences à Madagascar pendant et après les troubles politiques et, surtout, avec la crise qui a terrassé l’industrie mondiale en 2009.

 

Coupe du monde ou pas, l’Afrique a tout de même le vent en poupe. Le continent est désormais considéré comme une destination très sérieuse par les voyageurs des principaux pays émetteurs. Effet tsunami en Asie, pays plus stables politiquement, promotion touristique… Selon des statistiques de l’Organisation mondiale du tourisme, l’Afrique a été à contre-courant de la tendance générale en 2009. Avec une progression de 5,1 % du nombre de touristes étrangers par rapport à 2008, elle s’inscrit à l’opposé du mouvement mondial : le nombre global de voyages a reculé de 4 %, principalement à cause de la crise économique et des craintes liées à l’épidémie de grippe A. De nombreux pays africains espèrent aussi une recrudescence des arrivées de touristes de marchés émergents, comme l’Inde et la Chine. Mais aussi des Américains qui, contre toute attente, se révèlent être les premiers acheteurs de tickets pour assister aux matchs du Mondial de football. Plus qu’un coup de pouce, le président Jacob Zuma a affirmé que « la Coupe du monde allait changer pour toujours la perception que le monde a de l’Afrique du Sud. » Et très certainement de l’Afrique.

 

Durban se dote d’un nouvel aéroport international
Tout nouveau, tout beau, le King Shaka International Airport a été mis en service comme prévu, le 1er mai dernier, balayant les suspicions de report de sa livraison. Et même si, dehors, les ouvriers travaillent toujours d’arrache-pied à la finition des jardins et parkings, les passagers arrivent désormais dans cette installation flambant neuve à 30 kilomètres au nord de Durban. Avec un investissement de 8 milliards d’euros, le King Shaka Airport figure en deuxième position des plus importants chantiers du Mondial, après le Gautrain à Johannesbourg. Il pourra prendre en charge jusqu’à 7,5 millions de passagers et 50 000 tonnes de marchandises par an. Son activité devrait générer entre 165 000 et 260 000 emplois sur 20 ans. Au sud de la ville, l’ancien aéroport, avant d’être vendu, servira de base militaire jusqu’à la fin de la Coupe du monde. « Cette nouvelle structure va nous permettre de développer les interactions commerciales et de faciliter l’activité économique dans la région, en Afrique, mais aussi vers l’est et l’Amérique du Sud », analyse Vusi Khumalo, membre de la Chambre de commerce et d’industrie de Durban, qui voit dans cette installation un complément du port, le plus affairé d’Afrique australe.

 

Pour lui, « faciliter la route du commerce, c’est lui permettre de s’étendre ». Si la construction de l’aéroport était prévue depuis plusieurs années, l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde de la Fifa à l’Afrique du Sud a précipité le projet. Mais pour le moment, les compagnies aériennes internationales n’ont pas manifesté leur intérêt envers cette nouvelle installation. « Il y a un potentiel de croissance, mais les compagnies attendent toujours une réelle reprise de l’économie », analyse Bongiwe Pityi, directrice adjointe du King Shaka Airport. Seules les compagnies Air Mauritius et Emirates le desserviront à son ouverture, les mêmes qui opéraient déjà sur l’ancien. Un éléphant blanc de la Coupe du monde en Afrique du Sud ? La Chambre de Durban a bon espoir que la présence dans la région de la plus grande diaspora indienne favorise l’intérêt des compagnies indiennes notamment. À terme, cet aéroport ambitionne de devenir au moins aussi affairé que celui du Cap.

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