Entre les coûts de fonctionnement qui augmentent et les subventions publiques qui baissent, les grandes écoles sont à la recherche de nouveaux financements pour pouvoir continuer à tenir et faire face à la crise.
Courant novembre 2018, d’anciens élèves de la prestigieuse école HEC recevaient un cordial courrier leur demandant de verser une contribution pour leur ancienne école. Et si officiellement le discours est toujours de dire que tout va bien, les promesses de don ont bondi de 80% en 2018, et le nombre de donateurs privés est passé de 8000 à 13000 en 4 ans, comme l’indique le président de la fondation HEC, Bertrand Léonard, qui prépare déjà pour le printemps une campagne de levée de fonds.
Et si HEC rayonne avec une deuxième place au classement mondial des business schools, cette levée de fonds n’est pas anodine quand on sait que les subventions publiques baissent encore pour 2019. Les grandes écoles tel que l’Essec, ESCP Europe, EM Lyon, ou encore Skema Business School et Neoma Business School qui se classent parmi les meilleurs écoles à l’internationale sont toutes plus ou moins embêtées par ces soucis financiers.
En réalité si le sourire de façade est bien présent, en coulisse les écoles bataillent pour tenir face à la concurrence mondiale, «nous sommes pris en tenaille entre des coûts qui explosent pour rester dans la course et des subventions publiques qui s’évaporent» selon Bernard Belletante le directeur d’EM Lyon.
Avec un budget de 330 millions d’euros pour les CCI d’ici 2021, il sera impossible de financer encore les écoles
Les écoles de commerces deviennent des victimes collatérales de la cure d’austérité imposé par le ministère de l’Économie et des Finances aux CCI françaises depuis 2017 qui étaient les premiers contributeurs des écoles de commerce. Les CCI ont ainsi vu leur budget passer de 1.4 milliards d’euros en 2013 à 750 millions d’euros en 2017, et ce budget devrait tomber à 330 millions d’ici la fin du quinquennat, d’après Bercy.
Didier Kling à la tête de la CCI Paris Ile-de-France tire à nouveau la sonnette d’alarme «60% de notre budget servait à financer les écoles, dont les trois plus grandes, HEC, l’Essec et ESCP Europe. Dans trois ans elles ne recevront plus aucune subvention de notre part.» Ainsi, d’ici 2021 près de 10 millions d’euros devront être trouvés pour permettre de garder des comptes dans le vert «sous peine d’être déficitaires» selon Didier Kling.
Les détracteurs des grandes écoles pointent l’ironie de voir que ces dernières qui prônent la libre concurrence et glorifient la loi du marché se retrouvent elles-mêmes soumises à ces dites-lois. Ces écoles qui ont justement formé les élites du pays à la bonne gestion économique se retrouvent mises en difficultés par leurs anciens élèves aux commandes de Bercy. «On devrait enregistrer une perte de 3 millions d’euros d’ici à 2020, mais on a les réserves de trésorerie pour les absorber» déclare Eric Ponsonnet le directeur général adjoint d’HEC Paris.
Les places dans les classements mondiaux des grandes écoles sont indispensables pour attirer les meilleurs élèves
Ces difficultés sont d’autant plus dommageables que les grandes écoles de commerce luttent durement pour se classer au mieux au niveau mondial et attirer les meilleurs élèves du pays, «l’argent est essentiel pour investir et rendre les écoles le plus attractif possible» selon Loïck Roche à la tête de GEM.
La place dans les fameux classements dépend aussi de la quantité d’articles de recherche publiés dans des revues spécialisées, c’est un véritable combat pour attirer les meilleurs professeurs au monde. Qu’ils soient américains, indiens ou chinois ces derniers peuvent décrocher jusqu’à 300 000 euros pour seulement 50 heures de cours dans l’année.
Delphine Manceau à la tête de Neoma Business School explique toute l’aide qu’apportent les grandes écoles pour séduire ces professeurs en leur trouvant logement et place en crèches en plus de salaires parfois mirobolants, le comble étant que certains étudiants ont peu de chance de réellement les croiser considérant le peu de cours dispensés par ces « stars » de l’enseignement.
Les frais d’inscriptions devraient inévitablement grimper pour permettre de garder des finances saines selon HEC avec une addition augmentant de 5% chaque année jusqu’à 2021. Frank Bournois directeur de ESCP Europe déclare que «les frais ont atteint un sommet et qu’il sera difficile d’aller au dessus». Une des solutions pourrait être de diversifier l’offre des grandes écoles. L’autre piste serait de faire appel à des investisseurs étrangers, voire de céder des parts ou revendre certaines structures comme l’a fait la CCI Bretagne-Ouest en vendant son école au groupe chinois Weidong, géant asiatique et leader de la formation en ligne en Chine.