L’économie brésilienne – Entre stabilité et réformisme

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Porte-parole des intérêts des pays en développement lors des négociations commerciales multilatérales, le gouvernement brésilien entend renforcer le Mercosur pour en faire l’axe d’une Amérique du Sud plus solidaire et plus forte.

La République fédérale du Brésil est une démocratie politiquement stable avec un PIB de l’ordre de 510 milliards d’euros, mais présente aussi des facettes propres aux pays émergents. L’injuste répartition des richesses nationales met en lumière les lignes de fracture du modèle brésilien. Avec plus de 8,5 millions de km2, le pays couvre près de la moitié de l’Amérique du Sud et offre à la fois une pluralité d’écosystèmes et une disparité de conditions sociales et régionales, entre ville et campagne, entre Nord et Sud. Les inégalités sont surtout le fait d’une classe moyenne supérieure urbaine et proviennent pour partie de l’écart excessif des salaires au regard de la qualification des emplois.
Le Brésil est un pays jeune : sa population a triplé au cours des cinquante dernières années pour atteindre 179 millions d’habitants, dont quatre sur cinq résident dans les villes. Malgré la grande diversité de ses origines ethniques, le peuple brésilien présente une grande homogénéité structurelle et linguistique. Le régime politique qui a succédé en 1985 à vingt années de régime militaire et de protectionnisme a progressivement mis en place une économie de marché. L’arrivée au pouvoir de Lula, en janvier 2003, constitue un événement à double face. Si le candidat du Parti des travailleurs a suscité un temps l’inquiétude des milieux financiers, sa politique de stabilité a su restaurer la confiance.

Un optimisme mesuré
Richement doté en matières premières, le Brésil se caractérise également par son « agrobusiness » et son industrie. L’aéronautique, la sidérurgie, le pétrole constituent autant de secteurs pouvant se prévaloir de performances remarquables. La qualité de la main-d’œuvre, les technologies de pointe, la présence d’investisseurs industriels permettent au pays de créer un socle de confiance national et international. La moisson de bons résultats économiques a déjà produit ses effets. Avec une croissance de 4,6 % pour l’année 2004, le gouvernement Lula concrétise l’un de ses objectifs prioritaires : la réalisation de son projet de société.
Cependant, si le cap de l’austérité fiscale a été maintenu, l’inflation et les taux d’intérêt à un niveau élevé refont surface. Les critères d’appréciation de la politique économique menée par Lula demeurent enchevêtrés et doivent être nuancés : l’inflation est en décrue (moins de 8 %) et le ratio dette publique/PIB est repassé en dessous des 57 %. Résultat : toute l’économie bénéficie de l’embellie, le réal (la monnaie brésilienne) se tient et le risque-pays recule. Autres facteurs internes favorables : les gains de productivité s’accélèrent, le chômage est en recul et les créations d’emploi pourraient atteindre 1,8 million à la fin de l’année 2004.
Avec une croissance qui se propage allégrement, le Brésil pourrait se passer des fonds mis à sa disposition par le FMI. Il reste pourtant un défi à relever par le gouvernement Lula : pallier la surchauffe de l’économie qui commence à poindre. En effet, avec des capacités de production utilisées à leur limite dans certains secteurs et de nombreux goulots d’étranglement dans les infrastructures, l’offre ne parvient pas toujours à satisfaire la demande. La crainte est donc que la croissance ne soit pas soutenable compte tenu du déficit du taux d’investissement qui atteint à peine 20 % du PIB alors qu’il faudrait 25 % selon les experts.

L’intégration régionale
Réduire les inégalités sociales tout en maîtrisant la dette publique constitue le grand défi du Brésil. La loi sur les faillites, le système des retraites, la fiscalité, la réforme du droit du travail, le financement des micro-entreprises ou du logement continuent de préoccuper le gouvernement Lula qui avance prudemment dans les réformes structurelles. Si le panorama extérieur reste peu avenant (hausse du pétrole, ralentissement de la croissance mondiale), l’intégration régionale apparaît comme l’un des grands horizons de la politique et de l’économie brésiliennes.
Relancée par l’avènement des leaders réformistes, elle se traduit notamment par un nouveau souffle pour le Mercosur grâce aux initiatives de Lula et de Kirchner (le président argentin). Le Marché commun du Cône sud devient un pôle d’attraction pour la zone andine et même pour les Caraïbes (y compris Cuba). La situation géographique et historique de l’Amérique latine conduit fort logiquement celle-ci à préconiser le multilatéralisme et à en cultiver les conséquences dans les grands débats internationaux.
Le Brésil s’est toujours présenté comme un ardent défenseur du Mercosur qui intègre l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Cependant, celui-ci souffre d’une très forte asymétrie entre les membres du bloc. La complémentarité entre les chaînes productives des pays concernés est relativement faible. Par conséquent, l’union douanière avec un tarif extérieur commun peine à se construire. Le Mercosur, marché potentiel de 221 millions d’habitants, se réduit pour beaucoup aux relations entre le Brésil et l’Argentine, à la qualité de leurs échanges économiques et de leurs relations.
La faible transposition des normes du Mercosur dans les législations nationales contribue à freiner l’achèvement du marché intérieur. La position brésilienne au sein du Mercosur doit ménager les négociations avec les États-Unis dans le cadre de l’ALCA, zone de libre-échange du continent américain, et avec l’Union européenne, car les enjeux commerciaux avec ces deux grands partenaires sont considérables.

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