“L’huile d’olive algérienne redore son blason. Pendant des années, l’olivier a été mal géré, mais aujourd’hui de nouvelles perspectives s’ouvrent aux producteurs”, s’enthousiasme Zahir Kemiche, directeur d’Ifri Olive, une entreprise familiale qui produit l’une des huiles les plus réputées de Kabylie. C’est aussi l’une des rares sociétés à vendre sa production hors Algérie en l’adaptant aux règles du commerce international.
“En Algérie, l’huile est vendue en vrac, elle n’est pas conditionnée, ce qui la pénalise pour son exportation”, déplore Kemiche. Selon les chiffres des douanes, seul 1% des ventes à l’étranger est conditionné. “Nous, nous avons opté pour le conditionnement dès les années 90, suite à une demande de clients étrangers. Depuis nous exportons au Canada, aux États-Unis, en France et en Suisse, dans la péninsule arabique, en Afrique du Sud, au Sénégal, et tous nous disent que notre huile est délicieuse et fruitée”, commente Zahir Kemiche. Près de 40% de son chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger. Et ce ratio risque d’augmenter en 2012 avec le déploiement d’Ifri sur le juteux marché chinois. “Nous avons un partenaire sur place avec lequel nous avons créé une société d’import de produits algériens, indique l’entrepreneur kabyle. Nous avons commencé la promotion, puis prochainement, nous ouvrirons nos premières boutiques.”
Ifri est un pionnier en Algérie, neuvième producteur mondial d’huile d’olive. Elle était déjà exportatrice d’huile conditionnée lorsque le gouvernement a décidé de réorganiser la filière au milieu des années 2000. Le ministère de l’Agriculture a ainsi lancé deux programmes de renouveau agricole, en 2006-2008 et en 2009-2014, qui ont permis aux producteurs de moderniser leurs outils de production. “L’État souhaite faire évoluer l’oléiculture tant au niveau quantitatif que qualitatif.
Il y a dix ans, les zones de culture atteignaient 165 000 hectares, l’objectif est de les étendre à 500 000 d’ici 2014”, explique Mahmoud Mendil, directeur général de l’Institut technique de l’arboriculture fruitière et de la vigne, en charge de la coordination du programme. Actuellement, la surface de culture est de 345 000 hectares. “Nous avons planté des oliviers dans des zones plus accessibles, dans les plaines et les hauts plateaux, précise Mahmoud Mendil, alors que traditionnellement, l’olivier pousse surtout dans les montagnes de Kabylie.” L’objectif: augmenter le rendement des vergers, notamment en choisissant des races plus résistantes et plus productives.
Le gouvernement souhaiterait faire évoluer l’oléiculture en alternance vers une production intensive, car “pour beaucoup d’agriculteurs, l’huile n’est seulement qu’un complément de revenu et la production dépend énormément de la pluviométrie”, précise le directeur de l’Itaf. Il faut également améliorer la qualité et encourager les producteurs à s’adapter aux exigences du commerce international. “Le conditionnement de l’huile et son exportation sont rentables. Dès que les producteurs algériens s’en apercevront, ils suivront”, prophétise Zahir Kemiche. Mais, la filière peine encore à s’organiser et le projet de labellisation, dans les tuyaux depuis 2007, n’a toujours pas vu le jour.
“C’est long, mais nous n’avons pas le choix, si nous voulons avoir une visibilité sur le marché international“, constate Zahir Kemiche. À l’Itaf on prévoit la mise en place des labels dans les prochains mois, probablement en 2013. “Nous travaillons maintenant sur la réglementation, ajoute Mahmoud Mendil. Nous avons identifié 36 variétés que nous regroupons en une dizaine de labels d’huile conditionnée.” Mais il relativise également l’urgence: “l’augmentation des exportations est un objectif à moyen terme. Pour le moment, la priorité est donnée au marché national”. Il faut donc augmenter la production pour ne pas que les prix flambent. C’est d’ailleurs le cas cette année, la faute au manque de pluie et aux incendies en Kabylie. Pour une grande majorité d’Algériens, l’huile d’olive demeure un produit cher. Dans un pays qui consomme annuellement 500 000 tonnes d’huile, l’olive ne représente que 10% du marché. Un chiffre que le gouvernement voudrait voir vite augmenter… avant de concentrer ses efforts vers l’export.