Dans cet ouvrage réédité à un prix modique par les éditions La Découverte, il retrace une histoire méconnue, car quasiment inaccessible au grand public. En rassemblant des épisodes souvent morcelés par les spécialistes, L’Algérie des origines, de la préhistoire à l’avènement de l’islam montre l’indéniable richesse historique du pays maghrébin. La distance prise par Gilbert Meynier avec le fruit de ses recherches permet d’apprécier cette richesse sans qu’elle souffre de polémiques – un luxe lorsque l’on connaît la virulence idéologique de beaucoup de discours sur ces sujets.
Autre atout de l’ouvrage, sa logique de découpage chronologique accorde une place importante à la préhistoire, rappelant ainsi le poids occupé par le territoire algérien dans l’histoire de l’humanité. Un peu plus connue, l’époque antique dans la région n’est pas oubliée pour autant, bénéficiant d’un récit aussi clair que synthétique. L’histoire des peuples numides et maures traverse enfin la Mare Nostrum, tout comme les rois et chefs de guerre entrés dans la légende algérienne pour leur relation avec Rome (Syphax, Massinissa, Jugurtha, Juba II, Tacfarinas). Gilbert Meynier rappelle d’ailleurs la place capitale de ce territoire dans l’empire romain (allant jusqu’à lui « donner » deux empereurs) et le particularisme du syncrétisme culturel de sa population.
L’implantation forte d’un christianisme distinctif, les conflits qui en découlèrent (entre les catholiques et « l’hérésie » donatiste) et le rôle de la région dans la christianisation de l’empire bat en brèche le regard habituellement porté sur l’Algérie. Même si les chapitres dédiés aux invasions successives (vandale, puis byzantine et enfin islamique) permettent de mieux comprendre la façon dont le christianisme a cédé la place à l’islam, il est dommage que cette période ne bénéficie pas d’un traitement plus large, car elle aurait permis d’éclairer notablement le lecteur sur certains aspects de l’actualité.
Les relations difficiles entre la population kabyle et le gouvernement algérien se nourrissent en partie – pas uniquement, loin de là – du regard identitaire porté sur ces étapes fondamentales de l’histoire du pays. On regrette tout autant la quasi-absence de cartes et de graphiques, qui auraient permis aux néophytes une meilleure compréhension de certains passages du livre.
Espérons que Gilbert Meynier aura la bonne idée de continuer à tisser le fil de cette Algérie des origines en se penchant sur le développement de l’islam, la place de la région dans l’empire musulman, puis dans l’empire ottoman, la colonisation et l’État indépendant algérien.
L’Algérie des origines
Gilbert Meynier
Éditions La Découverte (janvier 2010)
240 pages, 10 €