Michel Godet, économètre de formation, fondateur du Cercle des Entrepreneurs du Futur vient de publier un nouveau livre. Dans « Libérez l’emploi, sauvez les retraites », Odile Jacob 2014 l’auteur, après 40 ans d’expérience professionnelle, nous livre ses 20 propositions pour réformer le pays. Entretien.
Avez-vous la conviction d’avoir trouvé la recette miracle pour endiguer le chômage ?
Vous savez le chômage bas existe déjà en France. Ce n’est pas de la fiction. Le Pays de Vitré enregistre 6% de chômeurs pour 80,000 habitants. En Vendée, on atteint un taux voisin sur tout le département, alors qu’il n’y a jamais eu de chemin de fer. Ce ne sont donc pas les structures qui font le développement mais bien les hommes porteurs de projets.
Lors de la publication d’un livre précédent, La France des bonnes nouvelles (préfacé par Michel Rocard), je suis allé jusqu’à porter le message directement au premier ministre : arrêtez de chercher des solutions d’en haut qui ne fonctionnent pas, comme les emplois d’avenir sans avenir. Les entreprises d’insertion comme le groupe Idées, réinsèrent dans l’emploi marchand des personnes considérées par Pôle Emploi comme « inemployables », et ce, à un coût faible pour la collectivité. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui marche dans la France d’en-bas en organisant la contagion des initiatives réussies.
Bref, on est trop jacobin, pas assez girondin. Il faudrait aussi simplifier le code du travail (qui comprend 10 000 articles contre 600 en 1973 !) La Suisse dont le taux de chômage est de 4% a un code du travail en 52 articles. Au-delà de ce harcèlement textuel, il y a aussi un coût du travail trop élevé en raison des charges provenant d’une dépense publique étouffante. On l’a compris, la France court dans la compétition internationale avec des semelles de plomb.
Alors, votre solution repose sur quoi ?
Pour baisser la dépense publique, qui est en France de 57% du PIB, soit 11 points de plus que l’Allemagne, il faut impérativement diminuer le nombre de fonctionnaires et lutter contre l’absentéisme (qui est de 24 jours/an dans l’ensemble des collectivités territoriales, et même de 40 jours à Montpellier.
On peut améliorer le service public en dépensant moins et ainsi stimuler la compétitivité. Il ne s’agit pas de dire que l’on va remplacer un fonctionnaire sur 2 qui part en retraite, mais plutôt de garder le plus longtemps possible ceux qui sont en place et de les faire travailler à nouveau 37 heures et demie comme le propose la Cour des Comptes. En effet, un fonctionnaire qui part à la retraite coûte aussi cher qu’en activité.
Vous dites aussi dans votre livre que pour libérer l’emploi, il faut des dirigeants compétents. Quelle en est votre définition ?
Simplement, des gens qui ont fait leurs preuves dans leur métier. Dans les pays à taux de chômage faible (Allemagne, Suisse), on constate un taux d’insertion précoce des jeunes sur le marché du travail. Plus de 50 % entre 15 et 19 ans, contre moins de 10 % en France. Dans ces pays, on n’accède pas aux fonctions de dirigeant sans une longue expérience réussie sur le terrain.
Chez nous, on parachute trop souvent des « forts en thème » passés par les cabinets ministériels à la tête de nos grandes entreprises et de nos administrations. Ils ont appris l’économie dans les livres, mais peu d’entre eux ont l’expérience de la gestion d’un compte d’exploitation. Tel n’est pas le cas du serial entrepreneur Denis Payre, ou encore du député maire de Chartres, Jean-Pierre Gorge, qui a l’expérience de la banque, et fait baisser depuis 10 ans les impôts de sa ville tout en la développant.
Vous dites, dans votre livre que la France détient le record de dépenses sociales de l’Europe puisqu’elles représentent 33% du PIB. Vous aimeriez un modèle économique avec moins de dépenses sociales ?
Je n’ai pas vraiment dit cela. Mais on dépense à tort et à travers. Nos dépenses de logement social correspondent à 2 points de PIB, tandis que celles de l’Allemagne valent un point de PIB avec de meilleures prestations et un coût du logement deux fois plus faible.
La vraie question c’est : comment faire mieux en dépensant moins ? Il faut cependant corriger les inégalités de revenus pars des transferts sociaux.
Un autre bon exemple est la Finlande : les revenus sont plus inégalitaires qu’en France mais après les transferts sociaux, impôts positifs et négatifs, les écarts se réduisent.
Monsieur Godet, vous présentez vingt propositions pour réformer le pays. Pourquoi donc ne vous présenteriez-vous pas en politique ?
J’ai déjà essayé dans le Loir-et-Cher, à Vendôme dans les années 90, après avoir créé l’Ismer (un institut de développement d’activités nouvelles pour des chômeurs entreprenants) qui existe toujours aujourd’hui et dont je suis resté président d’honneur. Très vite, je me suis rendu compte que la politique est devenue un métier où il ne faut dire tout haut ce que l’on pense tout bas. Ceci ne correspond pas à mon tempérament.