Les humiliations quotidiennes imposées à ses collaborateurs (à commencer par le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Geoffrey Howe) et la mise en place, contre leur avis, de la très impopulaire poll tax, un nouvel impôt local dont tous les foyers devaient s’acquitter sans distinction de revenus, ont eu raison de ses derniers soutiens.
Le film de William Karel nous replonge dans les trois derniers jours précédant la chute du Premier ministre, mais environ la moitié du documentaire porte sur sa dernière nuit au pouvoir. C’est en partie pour cette raison qu’il se visionne comme une fiction à suspens dont les épisodes, décrits avec précision, mènent à la mort politique de « Maggie ». L’absence totale de réserve dans les témoignages de seize ministres, secrétaires d’État et porte-parole de l’époque explique aussi la qualité du film. La très grande majorité d’entre eux n’éprouve pas de remords pour la trahison de leur ancien chef, et semble même ravie de revenir sur un événement qui les excite encore. Ce discours politique décomplexé étonne lorsque l’on songe au silence et aux faux-semblants qui règnent sur l’expression publique dans d’autres pays, la France en tête. Le plus virulent des intervenants du film de William Karel, l’ancien secrétaire d’État à l’Éducation Kenneth Clarke, demeure pourtant actif dans le paysage politique britannique : le nouveau Premier ministre, David Cameron, l’a nommé secrétaire d’État à la Justice au mois de mai.
Basée sur une simple formalité, la « chute de César » a été savamment orchestrée. « Michael Heseltine (ancien secrétaire d’État à la Défense, démissionnaire en 1986, ndlr) va exhumer un processus interne au parti, datant de 1975 et pratiquement jamais utilisé, permettant de destituer et remplacer le Premier ministre en exercice », raconte le film. Au lieu de rester à Londres pour retourner la situation à son avantage, Margaret Thatcher choisit de maintenir un déplacement à Paris pour rencontrer les leaders européens. Même le président français de l’époque, François Mitterrand, s’étonne de sa venue. Après de mauvais résultats au premier tour de l’élection interne, celle qui n’avait jamais perdu une élection populaire démissionne, trahie par son propre camp. Elle se retire, larmoyante, après avoir réussi à imposer John Major à la tête du pays.
Mais qui a tué Maggie ?, de William Karel, Arte éditions, mai 2010, 90 minutes, 20 euros