La Chine soigne son image de marque en Europe. En visite à Madrid début janvier, le vice-Premier ministre chinois, Li Keqiang, a réaffirmé sa confiance dans l’économie espagnole et dans la reprise en Europe. Pour preuve, la Chine va investir 5,6 milliards d’euros dans l’économie espagnole et près de 6 milliards d’euros de bons du trésor du royaume. En 2009, Pékin s’était déjà engagé à acquérir des obligations souveraines de la Grèce et du Portugal, sans plus de précision. L’appétit de la Chine pour les marchés européens représente un « bulletin de confiance » pour l’économie de la zone euro, apaisant du même coup les craintes des milieux financiers internationaux concernant la fragilité de la zone.
Depuis plusieurs mois, la Chine, premier bailleur mondial avec des réserves de devises qui s’élèvent à près de 2 600 milliards de dollars (1 970 milliards d’euros), selon les estimations de la CIA, s’est engagée dans une vaste diversification de ses réserves, pendant longtemps cantonnées au dollar. Cette nouvelle stratégie fait les affaires des économies européennes. En effet, cela ne coûte rien à l’Espagne d’émettre des dettes achetées par les Chinois. Surtout, la mise en place d’un plan de sauvetage de l’Espagne semble inenvisageable pour ses partenaires européens en raison de la taille de son économie, la cinquième de l’Union. En revanche, les Chinois ont tout à y gagner. Les taux de rendements des obligations sont plus élevés en Espagne qu’aux États-Unis alors que le risque de défaut d’un pays européen demeure très faible. Vanessa Rossi, économiste senior à l’Institut royal des affaires internationales de Grande-Bretagne, estime que la Chine détient aujourd’hui 1 000 milliards de dollars (758 milliards d’euros) de dettes souveraines européennes, soit 10 % de la dette souveraine totale.
Pour les Chinois, l’achat des obligations d’État en Europe s’inscrit dans une approche gagnant-gagnant, l’Europe favorisant la pénétration du marché européen par des entreprises chinoises tout en permettant à l’Europe d’éviter une nouvelle crise financière. Pour les contreparties, en premier lieu, le gouvernement chinois souhaite que l’Europe cesse de faire pression pour que le cours du yuan remonte et que Bruxelles abaisse les restrictions douanières qui pénalisent les exportations chinoises. Sur le Vieux Continent, quelques voix s’élèvent pour s’inquiéter de cette intrusion par la finance d’un régime autoritaire en Europe. En effet, expliquent les détracteurs de l’interventionnisme chinois, l’aide de Pékin représente peu de chose pour les actifs de la Banque populaire de Chine. En revanche, il suffirait qu’elle les revende sur les marchés pour qu’immédiatement les taux d’intérêts sur ces dettes retrouvent une tension. Si, en raison d’un litige commercial avec l’un des pays membres de l’UE, elle menaçait seulement de les revendre, cela aggraverait la crise souveraine. De fait, la Chine possède désormais un levier politique solide qui pourrait lui permettre de faire passer beaucoup d’autres choses.