Chevalier du Mérite agricole, Jean-Michel Cathala est un excellent connaisseur du secteur de l’agroalimentaire où il a passé sa carrière. D’abord comme cadre, jusqu’à être directeur général de filiale d’un géant du secteur packaging spécialisé agro, puis comme fondateur du cabinet de recrutement éponyme. Avec ses cinq collaborateurs, il recrute pour les entreprises du secteur des cadres et cadres dirigeants France et international.
Commerce International : Le marché de l’emploi des cadres est-il tendu actuellement dans le secteur de l’industrie agroalimentaire ? Quel effet peut-on constater sur les salaires ?
Jean-Michel Cathala : « L’agroalimentaire connaît une situation proche du marché général avec un taux de non-emploi des cadres de 3,5 %, autant dire le plein-emploi. Il y a une quasi-pénurie de cadres, mais nous pouvons nous féliciter de mener toutes nos missions à leur terme. C’est la preuve que notre méthode, associant approche directe et travail sur fichier, est efficace, avec l’apport plus nuancé d’Internet. Pour les salaires, notre mission est de trouver un candidat de qualité qui corresponde à la rémunération proposée par l’entreprise : nous observons parfois que l’entreprise qui nous mandate ne mesure pas pleinement la vérité des salaires pratiqués, nous la conseillons alors adroitement en ce sens ; très bien connaître le marché fait partie de notre travail de conseils. Nous constatons une évolution classique des rémunérations, preuve que les entreprises font peu évoluer leur stratégie en la matière. »
Quelles sont aujourd’hui les principales tendances de l’emploi cadre dans l’agroalimentaire ?
J.-M. C. : « Le secteur d’activité tient parfaitement son rang de leader sur le plan de l’emploi des cadres et cadres dirigeants pour toutes les fonctions de l’entreprise. Nous assistons depuis cinq ou six ans à une évolution favorable liée à la dynamique créative du secteur et à la montée en puissance, aux côtés des fonctions traditionnelles, de nouvelles fonctions telles le marketing sur les marques distributeurs, le marketing MDD (Marques des distributeurs), le spécialiste environnement ou le Manager Supply Chain, parmi d’autres fonctions nouvelles : cette organisation tient au besoin d’optimisation qu’éprouvent toutes les structures. L’agroalimentaire est soumis à une concurrence croissante des entreprises du fait de la mondialisation des échanges et de la pression de la demande produits exercée par les acteurs dominants : la distribution ; cela a des avantages : de jeunes entreprises peuvent toujours y réussir de façon remarquable. Ce qui change pour tous les industriels, c’est l’obligation de pertinence du positionnement de l’offre produits, c’est-à-dire l’obligation d’une dimension stratégique pointue qui l’identifiera en qualité d’acteur important du marché. C’est le rôle dévolu aux directeurs généraux que nous recrutons. Cette orientation doit être pérenne, ce qui implique d’innover en permanence. Notre cabinet étant spécialiste du recrutement pour toutes les fonctions de l’entreprise, nous mesurons combien la démarche d’innovation est permanente dans la conception de l’offre produits comme à tous les stades d’exploitation et de direction ; les stratégies d’amélioration continue, qui mettent en avant des travaux d’équipes constructifs et scellent un état d’esprit, en sont la forme la plus prometteuse. »
Y a-t-il d’autres évolutions encore ?
J.-M. C. : « La créativité et l’inventivité en équipes seront toujours porteuses d’idées ou de concepts nouveaux. Les acteurs majeurs du marché – l’ensemble des distributeurs – ont vocation à créer un “show” permanent, à surprendre pour inviter à la spontanéité de l’achat de produits nouveaux à promouvoir pour tenter de sensibiliser le consommateur sur des opportunités prix, et à rassurer par une offre globale fonds de rayon plus classique. Ce schéma global offre une opportunité de performance aux fonctions marketing et merchandising et, bien sûr, logistique. Le cross merchandising représente une alternative crédible associant des produits très complémentaires dans une présentation commune favorable à l’acte global d’achat, et c’est là une innovation. Le cabinet se donne pour mission de présenter aux entreprises clientes des personnalités qui réussiront dans la fonction proposée et, dans le cas précédent, nous allons rechercher la grande capacité d’ouverture aux univers de consommation, aux tendances qui se dessinent et à l’inventivité des managers marketing et merchandising en complément de leur savoir-faire classique. »
Quel impact la hausse des matières premières et notamment du pétrole va-t-elle avoir sur les recrutements à venir ?
J.-M. C. : « Il sera sans doute différent, tant l’une des orientations dépend d’un enjeu géopolitique mondial tandis que l’autre est conjonc-turelle. Tout laisse à penser que d’excellentes récoltes de matières premières classiques auront un effet bienfaiteur sur les prix des produits finis vers la fin de l’année – je pense au blé, notamment. Pour ce qui est du pétrole, il est à craindre que nous ne soyons en train de franchir un palier durable en termes de coûts. Au plan général, le dynamisme de l’agroalimentaire est un facteur clef autorisant la confiance et le recrutement de cadres et de cadres dirigeants ; il est toujours actif parce que la croissance du secteur est très corrélée à la croissance économique française. Le savoir-faire reconnu est, bien sûr, un plus confortable pour certains cabinets… »
Justement, quelles sont vos méthodes pour bien recruter ?
J.-M. C. : « Notre métier est de présenter une “short list” de candidats qui vont réussir dans la fonction concernée, ce qui suppose un examen attentif de leurs compétences et de leur adaptabilité à l’environnement de la fonction qu’ils briguent ; on peut satisfaire à ces exigences par l’approche directe de candidature, qui a toujours été un facteur important de notre succès, tandis que notre fichier très pro-actif est devenu le facteur clef. Les retombées Internet suivent à distance. »
Le secteur du recrutement a parfois mauvaise presse. Comment fonctionnez-vous ?
J.-M. C. : « Nous avons intégré le Syntec à la fin de 1994 : la déontologie que nous développions était totalement en phase avec celle défendue par l’institution. Il n’y a là rien que de très normal à partir du moment où la déontologie naît d’abord d’une morale acquise… Au-delà, notre succès s’est pérennisé avec la mise en application immédiate de trois concepts fondamentaux applicables quelle que soit la fonction soumise à notre étude. Nous ne présentons pas un candidat, mais une personnalité qui va réussir dans la fonction concernée, cette différence – de taille – suppose un entretien très sélectif. Ce premier concept induit le second, à savoir que la personnalité retenue par nos clients doit être directement opérationnelle sur la fonction à pourvoir car, de ce fait, elle donne rapidement des garanties de réussite en phase avec les attentes, et est alors titularisée en toute connaissance de cause pour les parties concernées. Le troisième concept nous est aussi précieux : c’est notre capacité à comprendre l’intégralité des attentes d’une fonction à pourvoir sans évoquer, auprès des décideurs, leur stratégie ; nous ne posons jamais de question en ce sens… Mais nous comprenons tout, du fait de notre connaissance stratégique de l’agro-business. Cela procure une vraie sécurité à nos clients. Elle a été à la base de notre succès, car elle a instrumentalisé une nécessaire confiance entre nous. »