Japon-Europe: De longues négociations pour éviter une timide ouverture

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Connaissant les Japonais, le rythme d’avancement ne sera sans doute pas très rapide. Il se passera plusieurs années avant qu’un accord de libre-échange n’entre en vigueur », prédit une membre de la Commission européenne. Quelques mois après la terrible catastrophe qui a secoué l’archipel nippon et affaibli son économie, le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon cristallise l’attention des décideurs et des entrepreneurs désireux de se tourner vers le potentiel d’Extrême-Orient. Mais le processus s’annonce complexe et devra lever de nombreux obstacles.

Un premier sommet, en mai dernier, a permis de lancer des négociations pour deux accords : le premier concerne les aspects commerciaux, le second, plus politique, couvre l’ensemble des domaines de coopération entre l’Union européenne et le Japon. Ce deuxième volet reprendra tous les thèmes de « l’action plan » qui avait été décidé par le passé au sujet du Japon. Les autorités européennes et japonaises sont mandatées pour réaliser actuellement un travail de « scoping » portant sur les deux accords. Ce travail permettra d’indiquer aux partenaires les différents points à négocier et de voir quelles restrictions ces derniers souhaitent apporter au projet envisagé. Concrètement, les États membres font part de leurs souhaits sur ce qui doit être obtenu et ce qui ne doit pas être abandonné. Les souhaits exprimés amenderont le projet initial qui leur est soumis. Cette phase de « scoping » devrait arriver à terme d’ici la fin 2011. Sur la base des conclusions de ce travail, les États membres donneront à la Commission européenne un mandat de négociation. La suite du calendrier dépend de la bonne volonté des négociateurs. Les négociations bouclées, le projet sera mis en musique, soumis au Conseil et au Parlement européen.

Au sein de la Commission européenne, la direction générale Entreprises et Industries forme l’interface de l’industrie et des entreprises vis-à-vis de la direction générale Commerce dans le cadre des négociations. Elle est à l’origine des directives pour les produits industriels et représente ainsi l’organe compétent pour les discussions avec les Japonais. Son but est de trouver des solutions sur les entraves réglementaires relatives aux produits. Elle estime que « si les Japonais se montrent uniquement prêts à négocier les tarifs, il est clair que ce ne sera pas suffisant ». L’ouverture des marchés publics nippons aux acteurs étrangers est très importante dans ce projet. La pression européenne sera très forte sur ce plan, notamment dans certains domaines comme le ferroviaire.

« Les Japonais se rendent bien compte qu’ils doivent s’ouvrir, faire des concessions, même s’ils sont réticents. Nous demandons plus que ce que stipule l’accord OMC, sinon aucun terrain d’entente ne pourra être trouvé », confie la membre de la Commission. « L’objectif est bien sûr de trouver un accord qui soit profitable à l’Union européenne. Nous ne voulons pas d’un accord déséquilibré. C’est aussi à l’industrie de s’exprimer, de justifier ses positions et d’en parler aux États membres », ajoute-t-elle.

Les négociateurs européens reconnaissent qu’il est délicat de comprendre quelle est exactement la situation au Japon sur le plan réglementaire. « En plus de la difficulté de se mettre d’accord, le problème est la mise en œuvre qui en découle. Le pays est réputé pour inventer des procédures qui reviennent à freiner des quatre fers, même lorsqu’un terrain d’entente a été trouvé. L’administration japonaise fait beaucoup de résistance au changement », précise-t-elle. Le précédent Premier ministre nippon s’était montré progressiste en faisant part de son souhait de faire évoluer le pays vers l’étranger. Le gouvernement actuel n’a pas remis en cause cette ouverture. Les mois à venir apporteront des réponses concrètes. Les opportunités dont pourraient profiter les Européens ne se limitent pas aux marchés publics. Les sociétés japonaises sont des clientes potentielles pour nombre de matières premières et produits intermédiaires.

Le Japon ne se caractérise pas par une économie en berne, mais il souffre d’une mauvaise réputation parce que son savoir-faire n’est pas médiatisé. Le tissu économique est surtout composé d’activités BtoB. Les investissements en innovation représentent le double par rapport à l’Europe. Actuellement, un iPad contient entre 70 % et 80 % de produits japonais. Dans les écrans tactiles, les fibres intégrées qui détectent les mouvements sont japonaises. Le Japon détient 100 % des parts de marché sur les films plastiques de protection qui recouvrent les écrans plats du monde entier. Dans l’aéronautique, les Airbus et Boeing sont remplis de fibres de carbone japonaises. Autant de savoir-faire, parfois invisibles, mais omniprésents.

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