Les immeubles cossus aux bureaux parfois agrémentés de meubles d’époque et de toiles de maître sont toujours là. Mais le profil des particuliers qui recourent aux services de la gestion privée a changé. Finis les rentiers rougeauds et ventripotents qui semblaient sortis d’un roman de Balzac. Désormais, les clients de la banque privée sont plutôt des chefs d’entreprise ayant construit une fraction de leur patrimoine financier et dont l’horizon professionnel n’est pas clos. Plus exigeants, mieux informés que leurs devanciers, ils sont aussi prêts à s’impliquer davantage dans la gestion de leurs actifs, quitte à bouleverser la hiérarchie de la gestion de fortune.
Traditionnellement celle-ci se divise en trois : la gestion déléguée, la gestion conseillée et la gestion libre (marginale). Même si la gestion déléguée reste prédominante, la gestion conseillée – qui permet au client piloter ses placements grâce à l’expertise de son banquier –, connaît un succès croissant. Une bonne raison à cela : lors de la crise boursière des années 2000, de nombreux clients sous mandat ont réalisé que le poste action de leur portefeuille était dangereusement surdimensionné. Ils ont encaissé de lourdes moins-values boursières. Aujourd’hui, tous attendent une meilleure prise en compte de leur aversion au risque.
Qu’ils s’appellent Lazard, Rothschild & Compagnie, BNP-Paribas Banque Privée, JP Morgan Private Bank, Merril Lynch ou encore Crédit Agricole, l’ensemble des établissements qui ont choisi de faire de la banque privée sont à l’affût de ces nouveaux clients. Ils sont même de plus en plus nombreux à les courtiser, car le temps où le conseil patrimonial haut de gamme était l’apanage de petites banques spécialisées est révolu. On compte dorénavant quatre types d’acteurs sur le marché : les départements privés des grandes banques à réseau, les petites banques privées adossées à des grands groupes ; les structures indépendantes. Et, enfin, les filiales françaises de banques étrangères qui ont une forte compétence dans la gestion d’actifs.
Les grandes banques à réseau sont toutes présentes sur le marché de la gestion haut de gamme. Dans ce peloton, où la Société Générale tire son épingle du jeu, on distinguera le Crédit Agricole et la BNP qui, en acquérant respectivement Indosuez et Paribas, ont aussi récupéré le savoir-faire et les actifs gérés par ces établissements haut de gamme.
Des offres de gestion plurielles
La force des banques à réseau tient au fait que la même entité peut traiter tous les segments de clientèle, que celle-ci détienne 200 000 ou plusieurs millions d’euros. En contrepartie, certains observateurs estiment que les grandes banques ne peuvent pas offrir un service équivalent à celui des enseignes spécialisées, car elles ont pour objectif principal de faire du « chiffre » et de placer les produits qu’elles fabriquent. Ces arguments ont sans doute eu leur pertinence. C’est la raison pour laquelle, beaucoup de banques pratiquent maintenant la « multigestion » aussi appelée « architecture ouverte ». En clair, cela signifie que le gestionnaire d’un compte est en droit d’acheter, pour son client, un produit de la concurrence, si celui-ci est plus performant que celui de sa maison mère. De même, les banques ont développé une offre de gestion « alternative », technique de placement qui permet d’obtenir une performance financière positive quelleminante, la gestion conseillée – que soit l’orientation des marchés.
Les petits établissements privés adossés à des grands groupes telle la banque Saint Dominique, filiale des Banques Populaires, où encore la banque OBC passée sous la coupe d’ABN Amro, sont traditionnellement à la recherche de clients dont le patrimoine financier dépasse le million d’euros. Certaines enseignes ont souffert du rapprochement avec une banque « généraliste ». Mais ces adossements ont aussi favorisé une gestion de patrimoine plus internationalisée, ce dont les clients ne se plaignent pas.
Les banques indépendantes comme la banque Rothschild & Compagnie, sa cousine, la Compagnie Financière Edmond de Rothschild ou encore la banque Lazard sont des banques de « marque ». Elles sont conçues pour choyer leurs clients. Mais le ticket d’entrée à verser pour en profiter est élevé puisqu’il dépasse fréquemment plusieurs millions d’euros.
Enfin, les filiales tricolores de groupes étrangers spécialisées dans le « private banking » sont de plus en plus nombreuses. L’intégration européenne et les négociations sur la fiscalité de l’épargne ont en effet diminué l’attractivité de certaines places off shore comme le Luxembourg ou la Suisse. Résultat, des établissements helvétiques comme la banque Pictet ou la banque Mirabaud se sont implantés dans l’Hexagone en 2004. Elles ont été précédées par UBS, Lombard Odier et le Crédit Suisse. Avec JP Morgan, Fidelity ou encore Merril Lynch, les Anglo-Saxons sont également très présents. Là aussi, le ticket d’entrée à verser pour profiter d’un service haut de gamme est élevé. Mais en contreminante, la gestion conseillée – partie, les clients, dont les besoins sont finalement assez comparables à ceux des institutionnels sont en droit d’attendre une vraie diversification géographique et une gestion tournée vers la transmission patrimoniale.