Coopération fiscale: l’entente européenne se fissure

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Siège de la Commission européenne, à Bruxelles (D.R.)
Après Londres, Berlin et Vienne signent des pactes avec la Suisse.

 

L’automne dernier, en signant avec la Suisse un accord fiscal préservant le secret bancaire, le Royaume-Uni avait suscité des réserves au sein de l’Union européenne. La décision de l’Allemagne, puis de l’Autriche de suivre la même voie provoque cette fois l’irritation de la Commission européenne, très attachée au principe de l’échange automatique d’information fiscale entre pays appliqué à tous les revenus de l’épargne. Rédigés sur le modèle de celui conclu il y a quelques mois avec Londres, l’accord signé par Berlin et celui signé par Vienne prévoient que les banques helvètes collectent l’impôt sur les gains d’avoirs déposés par les ressortissants allemands et autrichiens et les transfèrent à leurs fiscs respectifs par l’intermédiaire de leur homologue suisse.

En échange, les fiscs allemands et autrichiens renoncent à exiger les noms des contribuables qui ont placé, sans le déclarer, des capitaux en Suisse. Les accords britanniques, allemands et autrichiens diffèrent toutefois au niveau des taux d’imposition. En fonction de la durée de la relation bancaire et du montant de la fortune, le versement forfaitaire unique destiné à la régularisation du passé se situe entre 15 et 38% pour l’Autriche, contre une échelle de 21% à 41% avec les deux autres États. Un taux unique de 25% a été fixé par Vienne pour l’imposition des futurs rendements de capitaux. Ce taux correspond à l’impôt autrichien sur les rendements de capitaux. Les critiques se multiplient en Europe contre ce type d’arrangement. « Les États membres devraient s’abstenir de négocier (…) avec la Suisse ou tout autre pays tiers des accords, si un domaine réglementé au niveau européen devait être concerné », a déclaré le commissaire européen en charge des questions de sécurité, Algirdas Semeta, dans une lettre envoyée à la présidence danoise du Conseil de l’UE, avec copie aux 27 ministres des finances des États membres.

Un point de vue partagé par François d’Aubert, secrétaire du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements, chargé de lutter contre la fraude fiscale sous l’égide de l’OCDE. « Cet accord constitue une amnistie fiscale déguisée. Il n’y a aucune garantie sur l’assiette réelle du prélèvement à la source pratiqué. » Pour autant, ces arguments pourraient ne pas suffire à empêcher d’autres gouvernements européens de pactiser avec la Suisse. Alors que ces derniers cherchent par tous les moyens à renflouer leurs finances, ce type d’accord s’avère très lucratif. Ainsi, l’Autriche s’est empressée de boucler cet accord, car le gouvernement avait déjà inclus la manne de 1 milliard d’euros qui en découle pour équilibrer son budget 2016. Pour la ministre suisse des Finances Eveline Widmer-Schlumpf, il ne fait guère de doute que la France et l’Italie, officiellement hostiles à toute négociation, vont étudier l’évolution de la situation entre Berne et Berlin avant de se lancer à leur tour.

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