Comment vos salariés perçoivent-ils l’entreprise ?

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L’image de l’entreprise, en France, est mauvaise. D’après les chiffres publiés par la Chambre de ­commerce et d’industrie de Paris, presque les deux tiers des Français doutent de l’éthique des entreprises. Déjà, en 2003, la CCIP avait publié un ­livre blanc et organisé deux débats sur le sujet, dont un récemment. Car les ­annonces successives de parachutes ­dorés de grands patrons ont encore ­aggravé ce sentiment de méfiance. Puis les suicides d’employés chez EDF et ­Renault démasquèrent une autre face ­cachée des entreprises et des employés à la recherche de la performance. « Le harcèlement moral, les suicides, le stress et la ­déprime sont la vision barbare du sur­investissement dans l’entreprise des ­années 1980 », observe le sociologue Jean-Pierre Le Goff. La contestation de l’entreprise fait partie de la culture française. La seule exception fut l’époque des années 1980. « L’entreprise était devenue la valeur post-socialiste. À l’époque, les gens n’étaient pas favorables à la nationalisation. Aujourd’hui, 71 % le sont dans le cas d’EDF », explique l’économiste Elie Cohen. Après la chute du mur de Berlin, la mondialisation a créé la nouvelle peur du chômage qui dégrada vite cette bonne image de réussite. « La ­majorité estime que la mondialisation a un ­effet sur le travail, mais qu’il n’a pas de ­bénéfice pour eux. »

 

Heureux au travail
Néanmoins, ce sentiment d’un système « donnant-donnant » entre salariés et entre­preneur, les Français le ressentent pour leurs petites et moyennes entreprises. « Aujourd’hui, ce sont les grandes entreprises multinationales privées qui ne sont bien perçues qu’à 20 %, souligne Jean-Pierre Boisivon, délégué général de l’Institut de l’entreprise. Les PME, en ­revanche, atteignent 80 % de bonne ­entente, les PMI 50 %. » Paradoxalement, dans un sondage Sofres, une majorité de Français (76 %) choisit l’entreprise comme valeur importante avant le travail. Une majorité se dit aussi heureuse au travail. Ailleurs, ce culte affectif est moindre, mais l’image est meilleure. « Dans les pays anglo-saxons règne une très forte dose d’opportunisme, de volatilité et d’utilité que nous rejetons », observe Daniel ­Lebègue, président de l’Institut français des administrateurs. Si le salarié irlandais ou américain n’est pas satisfait, il s’en va et trouve vite un poste ailleurs. L’Américain moyen détient aussi un portefeuille d’actions : « 200 millions d’Américains sont des actionnaires. En France, ce sont surtout les 5 à 10 % des Français les mieux rémunérés », déplore David Thesmar, coauteur de l’essai Le grand méchant marché. Ce professeur de finance et d’économie au groupe HEC pense que l’image de la grande entreprise en France s’améliorera lorsque les Français deviendront propriétaires de leurs entreprises.

 

Communication permanente
« La flexibilité et l’information sont essentielles pour que le personnel vous fasse confiance », explique, en revanche, l’Américaine Marilyn Carlson Nelson, présidente et directrice des opérations de Carlson SM, l’une des plus grandes entreprises du monde (170 000 employés). Le magazine The Working Mother l’a élue « The best company for working mothers », et la même entreprise ­figure dans le magazine Fortune entre les 100 « best companies to work ». Elle est notamment plébiscitée par les femmes pour ses crèches, ce qui permet à l’employée d’arriver avec son bébé sur son lieu de travail et de rester proche de lui toute la journée. Bien-être, motivation et fidélité comptent en Scandinavie. « 95 % de nos directeurs d’hôtels ont été formés dans la maison », raconte Kurt Ritter, président et directeur des opérations du groupe ­Rezidor, coté à la bourse de Stockholm.

 

Culture d’entreprise dès le petit âge
Les Suisses gagnent leur premier argent de poche à 14 ans avec des jobs de vacances. Aux États-Unis, le petit boulot fait partie de la culture et de la vie ­familiale. En France, par contre, il est presque honteux de travailler comme étudiant afin de financer une partie de ses études. Pour l’instant, personne ne détient la formule magique afin de changer cette culture. Il est nécessaire d’explorer plusieurs pistes. De meilleures structures d’apprentissage faciliteraient le passage de l’école à l’entreprise. De plus, le Français moyen fait preuve de peu de connaissances en économie. Or, « il ne faut pas ­aimer, mais comprendre l’entreprise », souligne Boisivon, de l’Institut de l’entreprise. La CCIP souhaite plus de formation en économie à l’éducation nationale, et les grandes entreprises, qui n’apparaissent pas comme les champions économiques du pays, sont invitées à mieux communiquer et à mieux ­intégrer les salariés.

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