« L’ISO a révolutionné la qualité des productions. Ainsi, aujourd’hui plus de 15 000 normes sont gérées. Nous y sommes confrontés en permanence au quotidien, sans même nous en apercevoir. Pourquoi ne pas donner les mêmes garanties d’exigences et de compétences pour ce qui concerne l’humain ? » La question de Jean-Claude Gaillard, président de la Commission nationale de certification de la Snipf (Société nationale des ingénieurs professionnels de France), semble légitime. Au fil du temps, la nature des diplômes d’ingénieurs a évolué et leur nombre a explosé.
« Pour autant, comment évaluer la veille technologique permanente, obligatoire avec les métiers à dominante technique ? Il s’agit là d’un problème auquel s’ajoute la non-reconnaissance des titres à l’international, qui empêche bien des opportunités de se créer », poursuit-il. Positionné pour apporter une alternative à ce constat, la Snipf délivre en France, des certificats de compétence d’ingénieurs pour l’ensemble des spécialités d’ingénieurs de la classification type des professions gérées par le BIT (Bureau international du travail) qui regroupe 265 pays membres de l’ONU.
Une réponse européenne
Le principe de la certification des personnels est une conséquence de la création européenne. Pour mettre en œuvre un de ses articles fondateurs, « Libre circulation des biens et des personnes », l’Union souhaitait harmoniser dans un premier temps les cursus académiques nationaux, un préalable indispensable à l’étude des équivalences interdiplômes entre pays. Elle a rapidement mesuré l’ampleur de la tache, les nombreux systèmes de formation aboutissant aux diplômes étant tous très différents d’un pays à l’autre. « L’harmonisation des cursus de formation est particulièrement complexe, car tous les pays sont très attachés à leurs systèmes en place », constate ainsi Jean-Claude Gaillard.
La nécessité de créer des certifications européennes est ainsi née de cette quasi impossibilité d’harmonisation. « Dans un monde où les exigences sont de plus en plus marquées et où les diplômes sont rarement reconnus d’un pays à l’autre, il était normal de mettre en place des solutions garantissant la fiabilité de certains experts, au même titre que les normes ISO 9 001 ou ISO 14 001 apportent des garanties de qualité », poursuit le président. Avec le système de certification, chaque nation conserve son système académique et ses spécificités de formation tout en trouvant un terrain d’entente avec d’autres pays. Pour que la chaîne « qualité mondiale » soit complète, après la certification des systèmes d’entreprises, des laboratoires et des matériels dans les laboratoires, il devenait évident qu’il fallait en arriver à la certification des qualifications des femmes et des hommes présents dans ces structures.
Un passeport professionnel mondial
« Entre les différents diplômes d’ingénieurs, concluant plusieurs types de cursus, et les diplômes reconnus par l’État, mais pas par la CTI (Commission des titres d’ingénieur), le système français est particulièrement complexe et peu lisible pour les entreprises étrangères. La certification vient donner un point de référence beaucoup plus clair qui s’attache à l’exercice réel du métier d’ingénieur », estime JeanClaude Gaillard. Pour l’obtenir, un jeune ingénieur diplômé doit avoir réellement exercé le métier avec succès pendant plusieurs années à l’issue de sa formation. Au-delà de la couleur du diplôme et des spécialités inscrites sur le papier, la certification permet de valider les différentes formations initiales, les formations qualifiantes et l’expérience professionnelle qui se cumulent tout le long de la carrière.
« Nous certifions des personnels qui exercent le métier d’ingénieur, qu’ils soient titulaires ou non du diplôme d’ingénieur. Ceux-ci peuvent être titulaires de doctorats, de DEA, de DESS. Dans tous les cas, leur expérience dans la spécialité exercée est avérée. La certification consiste en une analyse permanente des compétences, au cas par cas, tout au long de la vie professionnelle. Nous avons à ce jour délivré plus de 4 200 certifications. Chacune elles a une durée de validité de trois ans, renouvelable par périodicité de trois ans, tant que l’on exerce toujours le métier », détaille Jean-Claude Gaillard. Récemment, le métier d’ingénieur écologiste est venu compléter les autres professions déjà répertoriées. « Certains certifiés en sont actuellement à leur quatrième renouvellement de certification, ce qui montre que ce processus est désormais tout à fait mature et répond aux attentes des uns et des autres, ajoute le président. À l’heure où la mondialisation bat son plein, les expériences professionnelles internationales deviennent monnaie courante. Le recours à cette solution trouve pleinement son intérêt dans ce contexte. »
Rigueur et garanties
Chaque certification se fait suivant des procédures rigoureuses, conformes à la norme internationale ISO/CEI 17 024, et sous contrôles réguliers du Cofrac (Comité français d’accréditation), le seul organisme habilité en France à délivrer des accréditations. La Snipf est accréditée par cet organisme depuis mars 1997. Les accréditations dans un pays sont automatiquement reconnues par les autres pays grâce aux accords multilatéraux liant
les accréditeurs entre eux. à ce jour, 196 pays sont signataires des Normes ISO – l’International Organization for Standardization, dont le secrétariat central est à Genève. Il s’agit donc d’un système en plein développement, capable d’apporter des garanties fortes pour un recruteur, quel que soit son pays et quel que soit le secteur professionnel considéré.
Aujourd’hui, si un ingénieur souhaite poursuivre sa carrière à l’étranger dans une société étrangère, il a donc l’obligation de la certification. Ce concept culturellement très intégré dans les pays anglo-saxons fait désormais son chemin en France. Et l’action menée par la Snipf s’inscrit par conséquent dans le contexte international de la Vac (Validation des acquis de compétences). « Notre objectif est d’œuvrer toujours plus en faveur de la reconnaissance internationale des qualités et de l’harmonisation des modèles. En se répandant, la certification ne peut avoir que des conséquences positives sur les compétences déployées dans les différentes filières. Les gagnants sont autant les employés que les employeurs », conclut Jean-Claude Gaillard.