Bridgestone et Continental main dans la main. Les deux concurrents historiques partagent depuis peu un même entrepôt de 42 000 mètres carrés à Mer, dans le département du Loir-et-Cher, pour fournir en pneumatiques les clients de la région. Leur prestataire commun, Deret Logistique, réceptionne informatiquement les commandes, calcule les solutions de transport à mettre en œuvre, puis les marchandises sont acheminées auprès des points de vente. Cet exemple est le symbole d’une tendance de fond à la mutualisation d’espaces pour les entreprises.
« Cette solution économique était déjà à l’étude il y a trois décennies, mais ce n’est que depuis quelques années que des projets concrets se mettent en place », constate Claude Samson, président de l’AFILOG, association pour le développement de la logistique en Europe.
FM Logistic souligne que cette tendance devrait s’étendre progressivement aux PME. Lorsqu’on regroupe jusqu’à 7 industriels pour mutualiser un entrepôt, comme c’est le cas chez ce prestataire, les répercussions en terme de rentabilité deviennent très intéressantes. Le vendeur de pâtés en conserve Hénaff, une PME bretonne de quelques 200 salariés, a également franchi le pas de la mutualisation logistique.
Pour Serge Rambault, président de Bretagne Supply Chain, une association créée à l’initiative de la CCI Bretagne et dont l’objectif est d’aider la communauté logistique régionale à améliorer sa performance globale et à anticiper les évolutions des chaînes, « c’est un domaine stratégique et différenciant pour les entreprises. Il constitue un facteur de compétitivité indiscutable. Le caractère périphérique de la Bretagne impose à notre territoire et à ses acteurs économiques d’être particulièrement performants sur ce plan. Il est essentiel et urgent que les sociétés de la région, et principalement les PME, s’approprient ce domaine. »
Les coûts logistiques représentent entre 5 et 15 % du chiffre d’affaires des entreprises. La Commission logistique de la FEEF (Fédération des entreprises et entrepreneurs de France) estime que la mutualisation des flux allège les factures d’environ 10 %. « Plusieurs facteurs, comme l’accroissement de l’internationalisation des échanges, la hausse du prix des carburants et des péages autoroutiers, le développement du e-business, l’intégration du développement durable dans la stratégie des entreprises, vont fortement toucher les organisations logistiques à l’avenir», mentionne Serge Rambault.
Il existe différents niveaux de mutualisation. Certains services en commun se limitent à la mutualisation de l’entretien, de la surveillance, de la gestion des déchets. Cette solution intermédiaire, sans forcément partager des espaces communs dans un entrepôt, peut être un premier pas pour se lancer dans cette démarche en attendant que les ultimes réticences disparaissent. Les charges d’un entrepôt comme l’entretien ou le gardiennage représentent 10 à 15 euros par mètre carré.
L’échelle régionale est souvent décrite comme étant plus propice à la mise en place de solutions de mutualisation, car les industriels locaux, même s’ils sont concurrents, peuvent avoir le sentiment d’œuvrer en défendant un dynamisme local, une image de terroir propre à leur région. « Grâce aux nombreuses animations proposées par notre association, les dirigeants ont la possibilité de rencontrer des experts de la logistique, de visiter des sites performants, d’échanger entre entreprises régionales sur des domaines à enjeux forts et de participer à des projets expérimentaux », indique Serge Rambault.
Cette tendance concerne aussi les espaces de bureaux. Dans les pépinières d’entreprises comme ailleurs, des sociétés n’hésitent plus à mettre en location à des conditions préférentielles une partie de leurs locaux. « Suite à la contraction de notre activité et à l’essor de la dématérialisation, une partie importante de notre superficie est devenue inutile. Nous avons ainsi mis ces espaces en location. Plusieurs petites entreprises à la recherche de locaux de 30 à 50 mètres carrés trouvent leur bonheur chez nous », explique Jérôme Deschamps, associé fondateur de Casaque, un concepteur de cadeaux promotionnels. « L’un de nos entrepôts va d’ailleurs devenir un espace de 1 400 mètres carrés de bureaux d’ici 2015 », poursuit-il.
L’avantage d’une mutualisation des bureaux réside aussi dans le partage d’expérience, car les sociétés qui se retrouvent ainsi regroupées évoluent souvent dans des secteurs voisins. À Lille, le parc d’activité EuraTechnologies, consacré aux technologies de l’information et de la communication, comprend un bâtiment dédié aux start-ups avec espaces communs spécifiquement créés pour développer les synergies entre entreprises.