Cabinet Herbert Smith: « SIIC et SPPICAV, de nouveaux vehicules d’investissement »

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L’environnement juridique et fiscal des investissements immobiliers en France a récemment connu une évolution profonde.

En 2003, le régime des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC), inspiré du régime des REITs américains, a été introduit et a immédiatement connu un grand succès auprès des investisseurs : quatre années après son adoption, on compte plus de 50 SIIC, totalisant une capitalisation boursière de l’ordre de 50 milliards d’euros.Une seconde étape est intervenue en 2005 avec l’introduction d’un nouveau véhicule, inspiré du modèle des fonds ouverts et fermés allemands, l’organisme de placement collectif dans l’immobilier (OPCI), qui peut revêtir deux formes : le fonds de placement immobilier (FPI) ou la société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV). D’abord orienté vers les investisseurs « domestiques », le régime SIIC a très vite bénéficié d’un large écho auprès des investisseurs institutionnels étrangers, principalement des foncières britanniques, néerlandaises, italiennes et espagnoles qui ont soit opté pour le régime SIIC au titre de leur portefeuille immobilier existant (Hammerson plc, Segro plc), soit acquis des SIIC existantes (SFL, Gecina, SIIC de Paris).

 

S’agissant des SPPICAV (1), il est encore trop tôt pour évaluer précisément l’intérêt que ce régime pourra susciter chez les investisseurs étrangers, mais en raison des contraintes nouvelles imposées aux actionnaires de SIIC (cf. infra), ce véhicule pourrait constituer une alternative avantageuse. Rappelons à titre liminaire que le régime des SIIC et des SPPICAV est quasi identique et aboutit en pratique à une transparence fiscale de ces véhicules. Sous réserve du respect de leurs obligations de distribution(2), les SIIC et les SPPICAV sont en effet exonérées d’impôt sur les sociétés (IS), de sorte que l’imposition est établie au niveau de l’actionnaire et non plus au niveau du véhicule. Si le régime fiscal applicable aux actionnaires résidents ne soulève pas de problématiques particulières (imposition en tant que dividendes entre les mains des actionnaires personnes physiques ou morales(3)), il en va différemment pour les actionnaires non résidents. En particulier, certains investisseurs étrangers ont pu tirer parti du statut SIIC et des stipulations conventionnelles applicables (retenue à la source au taux zéro), pour échapper à toute imposition en France. Afin d’éviter que des revenus traditionnellement imposables dans l’État du situs n’échappent totalement à l’impôt en France, le législateur est intervenu pour encadrer plus strictement l’actionnariat des SIIC. Ainsi, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2006 (loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006), le régime SIIC a notamment été amendé sur les points suivants :

 

– interdiction pour un actionnaire (autre qu’une SIIC) de détenir plus de 60 % du capital social d’une SIIC

– institution d’un prélèvement de 20 % sur les distributions effectuées au profit d’actionnaires personnes morales détenant plus de 10 % du capital social, qui ne sont pas soumis à l’impôt au titre des dividendes perçus.

 

L’introduction d’un seuil maximum de détention par un même actionnaire vise à éviter la constitution de SIIC dites « captives ». L’institution du prélèvement de 20 % s’explique par l’impossibilité pour le législateur français d’appliquer unilatéralement la retenue à la source de droit interne à un actionnaire résident d’un État conventionné. Le prélèvement de 20 % étant payable par la société distributrice et non par l’actionnaire, ce prélèvement n’est a priori pas contraire aux stipulations conventionnelles. Malgré le durcissement qu’introduit la LFR pour 2006, le succès des SIIC ne devrait pas se démentir à court terme. Tout en ciblant une catégorie particulière d’actionnaires, la loi introduit parallèlement des dispositifs visant à encourager les coopérations voire les rapprochements entre SIIC. Cette réforme devrait constituer un facteur de concentration du secteur, ce qu’illustrent des opérations comme la fusion d’Unibail et Rodamco, le rapprochement Eurosic-Vectrane ou encore l’échange d’actions entre Foncière des Régions et Beni Stabili, une foncière italienne. Indépendamment des avantages fiscaux qu’il procure, l’exigence de cotation liée au statut SIIC et les obligations et les coûts qui y sont associés peuvent constituer un frein à son adoption.

 

Le régime des SPPICAV apparaît dès lors comme une alternative avantageuse. En effet, le bénéfice du régime SPPICAV ne nécessite pas le recours à un véhicule coté et le dispositif actuel ne prévoit pas de limitation quant au seuil de détention maximum par un même investisseur. En outre, si la constitution d’une SPPICAV requiert l’obtention d’un agrément AMF, le législateur a prévu un cadre sur mesure pour les investisseurs dits « qualifiés » qui simplifie considérablement la gestion et le fonctionnement de cet organisme (SPPICAV à règles de fonctionnement allégées « RFA »). Sur le plan fiscal, comme indiqué ci-dessus, les SPPICAV bénéficient d’un régime de quasi-transparence : comme les SIIC, les bénéfices réalisés sont imposés entre les mains des actionnaires comme des dividendes. Les plus-values de cession d’actions de SPPICAV ne sont en principe pas imposables en France. Une incertitude subsiste à l’heure actuelle quant à la retenue à la source applicable aux dividendes distribués par les SPPICAV à leurs actionnaires étrangers.

 

L’administration fiscale considère en effet que les SPPICAV ne sont pas résidentes au sens des conventions fiscales, de sorte que ces dividendes devraient en principe subir la retenue à la source de droit interne au taux de 25 %, sans possibilité de réduction. Quoique contradictoire avec la volonté du législateur de promouvoir ce nouveau véhicule d’investissement immobilier, cette position, si elle devait être maintenue, porterait à 25 % l’imposition effective en France des revenus générés par la SPPICAV, taux qui reste cependant inférieur à l’imposition actuellement subie par les investisseurs dans le cadre d’un investissement direct. Cela étant précisé, on peut espérer qu’à terme les SPPICAV pourront bénéficier d’un alignement sur le régime des SICAV. En effet, dans les conventions récentes, ces dernières, bien que non-résidentes au sens conventionnel, sont expressément visées et bénéficient du taux réduit de la retenue à la source sur les dividendes (généralement fixé à 15 %), ce qui renforcerait encore un peu plus l’attrait des investisseurs pour ce nouveau véhicule.

 

(1)Les investisseurs institutionnels devraient prioritairement se tourner vers cette forme d’OPCI (plutôt que les FPI) pour structurer leurs investissements.
(2) Les SIIC et les OPCI doivent distribuer 85 % de leurs revenus locatifs, 50 % de leurs plus-values et 100 % des dividendes reçus de leurs filiales ayant opté pour le même régime.
(3) Sans bénéfice du régime des sociétés mères et filiales pour ces dernières.

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